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 La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen

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abdelhalim berri
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abdelhalim berri


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مُساهمةموضوع: La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen   La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen I_icon_minitimeالإثنين 20 مايو 2013, 00:40

La
petite sirène


La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen La-petite-sirene-et-autres-contes-hans-christian-andersen-rebecca-dautremer-anne-renon-9782013224802
Conte d'après: Hans Christian Andersen



Au large dans la mer, l'eau est
bleue comme les pétales du plus beau bleuet et
transparente comme le plus pur cristal; mais elle est si
profonde qu'on ne peut y jeter l'ancre et qu'il faudrait
mettre l'une sur l'autre bien des tours d'église pour
que la dernière émerge à la surface. Tout en bas, les
habitants des ondes ont leur demeure.
Mais n'allez pas croire qu'il n'y a là que des fonds de
sable nu blanc, non il y pousse les arbres et les plantes
les plus étranges dont les tiges et les feuilles sont si
souples qu'elles ondulent au moindre mouvement de l'eau.
On dirait qu'elles sont vivantes. Tous les poissons,
grands et petits, glissent dans les branches comme ici
les oiseaux dans l'air.
A l'endroit le plus profond s'élève le château du Roi
de la Mer. Les murs en sont de corail et les hautes
fenêtres pointues sont faites de l'ambre le plus
transparent, mais le toit est en coquillages qui se
ferment ou s'ouvrent au passage des courants. L'effet en
est féerique car dans chaque coquillage il y a des
perles brillantes dont une seule serait un ornement
splendide sur la couronne d'une reine.
Le Roi de la Mer était veuf depuis de longues années,
sa vieille maman tenait sa maison. C'était une femme
d'esprit, mais fière de sa noblesse; elle portait douze
huîtres à sa queue, les autres dames de qualité
n'ayant droit qu'à six. Elle méritait du reste de
grands éloges et cela surtout parce qu'elle aimait
infiniment les petites princesses de la mer, filles de
son fils. Elles étaient six enfants charmantes, mais la
plus jeune était la plus belle de toutes, la peau fine
et transparente tel un pétale de rose blanche, les yeux
bleus comme l'océan profond ... mais comme toutes les
autres, elle n'avait pas de pieds, son corps se terminait
en queue de poisson.
Le château était entouré d'un grand jardin aux arbres
rouges et bleu sombre, aux fruits rayonnants comme de
l'or, les fleurs semblaient de feu, car leurs tiges et
leurs pétales pourpres ondulaient comme des flammes. Le
sol était fait du sable le plus fin, mais bleu comme le
soufre en flammes. Surtout cela planait une étrange
lueur bleuâtre, on se serait cru très haut dans l'azur
avec le ciel au-dessus et en dessous de soi, plutôt
qu'au fond de la mer.
Par temps très calme, on apercevait le soleil comme une
fleur de pourpre, dont la corolle irradiait des faisceaux
de lumière.
Chaque princesse avait son carré de jardin où elle
pouvait bêcher et planter à son gré, l'une donnait à
sa corbeille de fleurs la forme d'une baleine, l'autre
préférait qu'elle figurât une sirène, mais la plus
jeune fit la sienne toute ronde comme le soleil et n'y
planta que des fleurs éclatantes comme lui.
C'était une singulière enfant, silencieuse et
réfléchie. Tandis que ses sœurs ornaient leurs
jardinets des objets les plus disparates tombés de
navires naufragés, elle ne voulut, en dehors des fleurs
rouges comme le soleil de là- haut, qu'une statuette de
marbre, un charmant jeune garçon taillé dans une pierre
d'une blancheur pure, et échouée, par suite d'un
naufrage, au fond de la mer. Elle planta près de la
statue un saule pleureur rouge qui grandit à merveille.
Elle n'avait pas de plus grande joie que d'entendre
parler du monde des humains. La grand-mère devait
raconter tout ce qu'elle savait des bateaux et des
villes, des hommes et des bêtes et, ce qui l'étonnait
le plus, c'est que là- haut, sur la terre, les fleurs
eussent un parfum, ce qu'elles n'avaient pas au fond de
la mer, et que la forêt y fût verte et que les poissons
voltigeant dans les branches chantassent si
délicieusement que c'en était un plaisir. C'étaient
les oiseaux que la grand-mère appelait poissons,
autrement les petites filles ne l'auraient pas comprise,
n'ayant jamais vu d'oiseaux.
- Quand vous aurez vos quinze ans, dit la grand-mère,
vous aurez la permission de monter à la surface, de vous
asseoir au clair de lune sur les rochers et de voir
passer les grands vaisseaux qui naviguent et vous verrez
les forêts et les villes, vous verrez !
Au cours de l'année, l'une des sœurs eut quinze ans
et comme elles se suivaient toutes à un an de distance,
la plus jeune devait attendre cinq grandes années avant
de pouvoir monter du fond de la mer.
Mais chacune promettait aux plus jeunes de leur raconter
ce qu'elle avait vu de plus beau dès le premier jour,
grand-mère n'en disait jamais assez à leur gré, elles
voulaient savoir tant de choses !
Aucune n'était plus impatiente que la plus jeune,
justement celle qui avait le plus longtemps à attendre,
la silencieuse, la pensive ...
Que de nuits elle passait debout à la fenêtre ouverte,
scrutant la sombre eau bleue que les poissons battaient
de leurs nageoires et de leur queue. Elle apercevait la
lune et les étoiles plus pâles il est vrai à travers
l'eau, mais plus grandes aussi qu'à nos yeux. Si parfois
un nuage noir glissait au-dessous d'elles, la petite
savait que c'était une baleine qui nageait dans la mer,
ou encore un navire portant de nombreux hommes, lesquels
ne pensaient sûrement pas qu'une adorable petite
sirène, là, tout en bas, tendait ses fines mains
blanches vers la quille du bateau.
Vint le temps où l'aînée des princesses eut quinze ans
et put monter à la surface de la mer.
A son retour, elle avait mille choses à raconter mais le
plus grand plaisir, disait-elle, était de s'étendre au
clair de lune sur un banc de sable par une mer calme et
de voir, tout près de la côte, la grande ville aux
lumières scintillantes comme des centaines d'étoiles,
d'entendre la musique et tout ce vacarme des voitures et
des gens, d'apercevoir tant de tours d'églises et de
clochers, d'entendre sonner les cloches. Justement, parce
qu'elle ne pouvait y aller, c'était de cela qu'elle
avait le plus grand désir. Oh! comme la plus jeune
sœur l'écoutait passionnément, et depuis lors, le
soir, lorsqu'elle se tenait près de la fenêtre ouverte
et regardait en haut à travers l'eau sombre et bleue,
elle pensait à la grande ville et à ses rumeurs, et il
lui semblait entendre le son des cloches descendant
jusqu'à elle.




L'année suivante, ce fut le
tour de la troisième sœur. Elle était la plus
hardie de toutes, aussi remonta-t-elle le cours d'un
large fleuve qui se jetait dans la mer. Elle vit de
jolies collines vertes couvertes de vignes, des châteaux
et des fermes apparaissaient au milieu des forêts, elle
entendait les oiseaux chanter et le soleil ardent
l'obligeait souvent à plonger pour rafraîchir son
visage brûlant.
Dans une petite anse, elle rencontra un groupe d'enfants
qui couraient tout nus et barbotaient dans l'eau. Elle
aurait aimé jouer avec eux, mais ils s'enfuirent
effrayés, et un petit animal noir - c'était un chien,
mais elle n'en avait jamais vu - aboya si férocement
après elle qu'elle prit peur et nagea vers le large.
La quatrième n'était pas si téméraire, elle resta au
large et raconta que c'était là précisément le plus
beau. On voyait à des lieues autour de soi et le ciel,
au-dessus, semblait une grande cloche de verre. Elle
avait bien vu des navires, mais de très loin, ils
ressemblaient à de grandes mouettes, les dauphins
avaient fait des culbutes et les immenses baleines
avaient fait jaillir l'eau de leurs narines, des
centaines de jets d'eau.
Vint enfin le tour de la cinquième sœur. Son
anniversaire se trouvait en hiver, elle vit ce que les
autres n'avaient pas vu. La mer était toute verte, de-
ci de-là flottaient de grands icebergs dont chacun avait
l'air d'une perle.
Elle était montée sur l'un d'eux et tous les voiliers
s'écartaient effrayés de l'endroit où elle était
assise, ses longs cheveux flottant au vent, mais vers le
soir les nuages obscurcirent le ciel, il y eut des
éclairs et du tonnerre, la mer noire élevait très haut
les blocs de glace scintillant dans le zigzag de la
foudre. Sur tous les bateaux, on carguait les voiles dans
l'angoisse et l'inquiétude, mais elle, assise sur
l'iceberg flottant, regardait la lame bleue de l'éclair
tomber dans la mer un instant illuminée.
La première fois que l'une des sœurs émergeait à
la surface de la mer, elle était toujours enchantée de
la beauté, de la nouveauté du spectacle, mais, devenues
des filles adultes, lorsqu'elles étaient libres d'y
remonter comme elles le voulaient, cela leur devenait
indifférent, elles regrettaient leur foyer et, au bout
d'un mois, elles disaient que le fond de la mer c'était
plus beau et qu'on était si bien chez soi !
Lorsque le soir les sœurs, se tenant par le bras,
montaient à travers l'eau profonde, la petite dernière
restait toute seule et les suivait des yeux ; elle aurait
voulu pleurer, mais les sirènes n'ont pas de larmes et
n'en souffrent que davantage.
- Hélas ! que n'ai-je quinze ans ! soupirait-elle. Je
sais que moi j'aimerais le monde de là-haut et les
hommes qui y construisent leurs demeures.
- Eh bien, tu vas échapper à notre autorité, lui dit
sa grand-mère, la vieille reine douairière. Viens, que
je te pare comme tes sœurs. Elle mit sur ses cheveux
une couronne de lys blancs dont chaque pétale était une
demi-perle et elle lui fit attacher huit huîtres à sa
queue pour marquer sa haute naissance.
- Cela fait mal, dit la petite.
- Il faut souffrir pour être belle, dit la vieille.
Oh! que la petite aurait aimé secouer d'elle toutes ces
parures et déposer cette lourde couronne! Les fleurs
rouges de son jardin lui seyaient mille fois mieux, mais
elle n'osait pas à présent en changer.
-Au revoir, dit-elle, en s'élevant aussi légère et
brillante qu'une bulle à travers les eaux.
Le soleil venait de se coucher lorsqu'elle sortit sa
tête à la surface, mais les nuages portaient encore son
reflet de rose et d'or et, dans l'atmosphère tendre,
scintillait l'étoile du soir, si douce et si belle!
L'air était pur et frais, et la mer sans un pli.
Un grand navire à trois mâts se trouvait là, une seule
voile tendue, car il n'y avait pas le moindre souffle de
vent, et tous à la ronde sur les cordages et les
vergues, les matelots étaient assis. On faisait de la
musique, on chantait, et lorsque le soir s'assombrit, on
alluma des centaines de lumières de couleurs diverses.
On eût dit que flottaient dans l'air les drapeaux de
toutes les nations.
La petite sirène nagea jusqu'à la fenêtre du salon du
navire et, chaque fois qu'une vague la soulevait, elle
apercevait à travers les vitres transparentes une
réunion de personnes en grande toilette. Le plus beau de
tous était un jeune prince aux yeux noirs ne paraissant
guère plus de seize ans. C'était son anniversaire,
c'est pourquoi il y avait grande fête.
Les marins dansaient sur le pont et lorsque Le jeune
prince y apparut, des centaines de fusées montèrent
vers le ciel et éclatèrent en éclairant comme en plein
jour. La petite sirène en fut tout effrayée et
replongea dans l'eau, mais elle releva bien vite de
nouveau la tête et il lui parut alors que toutes les
étoiles du ciel tombaient sur elle. Jamais elle n'avait
vu pareille magie embrasée. De grands soleils
flamboyants tournoyaient, des poissons de feu
s'élançaient dans l'air bleu et la mer paisible
réfléchissait toutes ces lumières. Sur le navire, il
faisait si clair qu'on pouvait voir le moindre cordage et
naturellement les personnes. Que le jeune prince était
beau, il serrait les mains à la ronde, tandis que la
musique s'élevait dans la belle nuit !
Il se faisait tard mais la petite sirène ne pouvait
détacher ses regards du bateau ni du beau prince. Les
lumières colorées s'éteignirent, plus de fusées dans
l'air, plus de canons, seulement, dans le plus profond de
l'eau un sourd grondement. Elle flottait sur l'eau et les
vagues la balançaient, en sorte qu'elle voyait
l'intérieur du salon. Le navire prenait de la vitesse,
l'une après l'autre on larguait les voiles, la mer
devenait houleuse, de gros nuages parurent, des éclairs
sillonnèrent au loin le ciel. Il allait faire un temps
épouvantable ! Alors, vite les matelots replièrent les
voiles. Le grand navire roulait dans une course folle sur
la mer démontée, les vagues, en hautes montagnes
noires, déferlaient sur le grand mât comme pour
l'abattre, le bateau plongeait comme un cygne entre les
lames et s'élevait ensuite sur elles.
Les marins, eux, si la petite sirène s'amusait de cette
course, semblaient ne pas la goûter, le navire craquait
de toutes parts, les épais cordages ployaient sous les
coups. La mer attaquait. Bientôt le mât se brisa par le
milieu comme un simple roseau, le bateau prit de la
bande, l'eau envahit la cale.
Alors seulement la petite sirène comprit qu'il y avait
danger, elle devait elle- même se garder des poutres et
des épaves tourbillonnant dans l'eau.
Un instant tout fut si noir qu'elle ne vit plus rien et,
tout à coup, le temps d'un éclair, elle les aperçut
tous sur le pont. Chacun se sauvait comme il pouvait.
C'était le jeune prince qu'elle cherchait du regard et,
lorsque le bateau s'entrouvrit, elle le vit s'enfoncer
dans la mer profonde.
Elle en eut d'abord de la joie à la pensée qu'il
descendait chez elle, mais ensuite elle se souvint que
les hommes ne peuvent vivre dans l'eau et qu'il ne
pourrait atteindre que mort le château de son père.
Non ! il ne fallait pas qu'il mourût ! Elle nagea au
milieu des épaves qui pouvaient l'écraser, plongea
profondément puis remonta très haut au milieu des
vagues, et enfin elle approcha le prince. Il n'avait
presque plus la force de nager, ses bras et ses jambes
déjà s'immobilisaient, ses beaux yeux se fermaient, il
serait mort sans la petite sirène.




Quand vint le matin, la
tempête s'était apaisée, pas le moindre débris du
bateau n'était en vue; le soleil se leva, rouge et
étincelant et semblant ranimer les joues du prince, mais
ses yeux restaient clos. La petite sirène déposa un
baiser sur son beau front élevé et repoussa ses cheveux
ruisselants.
Elle voyait maintenant devant elle la terre ferme aux
hautes montagnes bleues couvertes de neige, aux belles
forêts vertes descendant jusqu'à la côte. Une église
ou un cloître s'élevait là - elle ne savait au juste,
mais un bâtiment.
Des citrons et des oranges poussaient dans le jardin et
devant le portail se dressaient des palmiers. La mer
creusait là une petite crique à l'eau parfaitement
calme, mais très profonde, baignant un rivage rocheux
couvert d'un sable blanc très fin. Elle nagea jusque-là
avec le beau prince, le déposa sur le sable en ayant
soin de relever sa tête sous les chauds rayons du
soleil.
Les cloches se mirent à sonner dans le grand édifice
blanc et des jeunes filles traversèrent le jardin. Alors
la petite sirène s'éloigna à la nage et se cacha
derrière quelque haut récif émergeant de l'eau, elle
couvrit d'écume ses cheveux et sa gorge pour passer
inaperçue et se mit à observer qui allait venir vers le
pauvre prince.
Une jeune fille ne tarda pas à s'approcher, elle eut
d'abord grand-peur, mais un instant seulement, puis elle
courut chercher du monde. La petite sirène vit le prince
revenir à lui, il sourit à tous à la ronde, mais pas
à elle, il ne savait pas qu'elle l'avait sauvé. Elle en
eut grand-peine et lorsque le prince eut été porté
dans le grand bâtiment, elle plongea désespérée et
retourna chez elle au palais de son père.
Elle avait toujours été silencieuse et pensive, elle le
devint bien davantage. Ses sœurs lui demandèrent ce
qu'elle avait vu là-haut, mais elle ne raconta rien.
Bien souvent le soir et le matin elle montait jusqu'à la
place où elle avait laissé le prince. Elle vit mûrir
les fruits du jardin et elle les vit cueillir, elle vit
la neige fondre sur les hautes montagnes, mais le prince,
elle ne le vit pas, et elle retournait chez elle toujours
plus désespérée.
A la fin elle n'y tint plus et se confia à l'une de ses
sœurs. Aussitôt les autres furent au courant, mais
elles seulement et deux ou trois autres sirènes qui ne
le répétèrent qu'à leurs amies les plus intimes.
L'une d'elles savait qui était le prince, elle avait vu
aussi la fête à bord, elle savait d'où il était, où
se trouvait son royaume.
- Viens, petite sœur, dirent les autres princesses.
Et, s'enlaçant, elles montèrent en une longue chaîne
vers la côte où s'élevait le château du prince.
Par les vitres claires des hautes fenêtres on voyait les
salons magnifiques où pendaient de riches rideaux de
soie et de précieuses portières. Les murs s'ornaient,
pour le plaisir des yeux, de grandes peintures. Dans la
plus grande salle chantait un jet d'eau jaillissant très
haut vers la verrière du plafond.
Elle savait maintenant où il habitait et elle revint
souvent, le soir et la nuit. Elle s'avançait dans l'eau
bien plus près du rivage qu'aucune de ses sœurs
n'avait osé le faire, oui, elle entra même dans
l'étroit canal passant sous le balcon de marbre qui
jetait une longue ombre sur l'eau et là elle restait à
regarder le jeune prince qui se croyait seul au clair de
lune.
Bien des nuits, lorsque les pêcheurs étaient en mer
avec leurs torches, elle les entendit dire du bien du
jeune prince, elle se réjouissait de lui avoir sauvé la
vie lorsqu'il roulait à demi mort dans les vagues. Elle
songeait au poids de sa tête sur sa jeune poitrine et de
quels fervents baisers elle l'avait couvert. Lui ne
savait rien de tout cela, il ne pouvait même pas rêver
d'elle.
De plus en plus elle en venait à chérir les humains, de
plus en plus elle désirait pouvoir monter parmi eux,
leur monde, pensait-elle, était bien plus vaste que le
sien. Ne pouvaient-ils pas sur leurs bateaux sillonner
les mers, escalader les montagnes bien au-dessus des
nuages et les pays qu'ils possédaient ne
s'étendaient-ils pas en forêts et champs bien au-delà
de ce que ses yeux pouvaient saisir ?
Elle voulait savoir tant de choses pour lesquelles ses
sœurs n'avaient pas toujours de réponses, c'est
pourquoi elle interrogea sa vieille grand-mère, bien
informée sur le monde d'en haut, comme elle appelait
fort justement les pays au-dessus de la mer.
- Si les hommes ne se noient pas, demandait la petite
sirène, peuvent-ils vivre toujours et ne meurent-ils pas
comme nous autres ici au fond de la mer ?
- Si, dit la vieille, il leur faut mourir aussi et la
durée de leur vie est même plus courte que la nôtre.
Nous pouvons atteindre trois cents ans, mais lorsque nous
cessons d'exister ici nous devenons écume sur les flots,
sans même une tombe parmi ceux que nous aimons. Nous
n'avons pas d'âme immortelle, nous ne reprenons jamais
vie, pareils au roseau vert qui, une fois coupé, ne
reverdit jamais.
Les hommes au contraire ont une âme qui vit
éternellement, qui vit lorsque leur corps est retourné
en poussière. Elle s'élève dans l'air limpide
jusqu'aux étoiles scintillantes.
De même que nous émergeons de la mer pour voir les pays
des hommes, ils montent vers des pays inconnus et pleins
de délices que nous ne pourrons voir jamais.
- Pourquoi n'avons-nous pas une âme éternelle ? dit la
petite, attristée ; je donnerais les centaines d'années
que j'ai à vivre pour devenir un seul jour un être
humain et avoir part ensuite au monde céleste !
- Ne pense pas à tout cela, dit la vieille, nous vivons
beaucoup mieux et sommes bien plus heureux que les hommes
là-haut.
- Donc, il faudra que je meure et flotte comme écume sur
la mer et n'entende jamais plus la musique des vagues, ne
voit plus les fleurs ravissantes et le rouge soleil. Ne
puis-je rien faire pour gagner une vie éternelle ?
- Non, dit la vieille, à moins que tu sois si chère à
un homme que tu sois pour lui plus que père et mère,
qu'il s'attache à toi de toutes ses pensées, de tout
son amour, qu'il fasse par un prêtre mettre sa main
droite dans la tienne en te promettant fidélité ici-bas
et dans l'éternité. Alors son âme glisserait dans ton
corps et tu aurais part au bonheur humain. Il te
donnerait une âme et conserverait la sienne. Mais cela
ne peut jamais arriver. Ce qui est ravissant ici dans la
mer, ta queue de poisson, il la trouve très laide
là-haut sur la terre. Ils n'y entendent rien, pour être
beau, il leur faut avoir deux grossières colonnes qu'ils
appellent des jambes.
La petite sirène soupira et considéra sa queue de
poisson avec désespoir.
- Allons, un peu de gaieté, dit la vieille, nous avons
trois cents ans pour sauter et danser, c'est un bon laps
de temps. Ce soir il y a bal à la cour. Il sera toujours
temps de sombrer dans le néant.
Ce bal fut, il est vrai, splendide, comme on n'en peut
jamais voir sur la terre. Les murs et le plafond, dans la
grande salle, étaient d'un verre épais, mais clair.
Plusieurs centaines de coquilles roses et vert pré
étaient rangées de chaque côté et jetaient une
intense clarté de feu bleue qui illuminait toute la
salle et brillait à travers les murs de sorte que la
mer, au-dehors, en était tout illuminée. Les poissons
innombrables, grands et petits, nageaient contre les murs
de verre, luisants d'écailles pourpre ou étincelants
comme l'argent et l'or.
Au travers de la salle coulait un large fleuve sur lequel
dansaient tritons et sirènes au son de leur propre chant
délicieux. La voix de la petite sirène était la plus
jolie de toutes, on l'applaudissait et son cœur en
fut un instant éclairé de joie car elle savait qu'elle
avait la plus belle voix sur terre et sous l'onde.
Mais très vite elle se reprit à penser au monde
au-dessus d'elle, elle ne pouvait oublier le beau prince
ni son propre chagrin de ne pas avoir comme lui une âme
immortelle. C'est pourquoi elle se glissa hors du
château de son père et, tandis que là tout était
chants et gaieté, elle s'assit, désespérée, dans son
petit jardin. Soudain elle entendit le son d'un cor
venant vers elle à travers l'eau.
- Il s'embarque sans doute là-haut maintenant, celui que
j'aime plus que père et mère, celui vers lequel vont
toutes mes pensées et dans la main de qui je mettrais
tout le bonheur de ma vie. J'oserais tout pour les
gagner, lui et une âme immortelle. Pendant que mes
sœurs dansent dans le château de mon père, j'irai
chez la sorcière marine, elle m'a toujours fait si peur,
mais peut-être pourra-t-elle me conseiller et m'aider!
Alors la petite sirène sortit de son jardin et nagea
vers les tourbillons mugissants derrière lesquels
habitait la sorcière. Elle n'avait jamais été de ce
côté où ne poussait aucune fleur, aucune herbe marine,
il n'y avait là rien qu'un fond de sable gris et nu
s'étendant jusqu'au gouffre. L'eau y bruissait comme une
roue de moulin, tourbillonnait et arrachait tout ce
qu'elle pouvait atteindre et l'entraînait vers l'abîme.
Il fallait à la petite traverser tous ces terribles
tourbillons pour arriver au quartier où habitait la
sorcière, et sur un long trajet il fallait passer
au-dessus de vases chaudes et bouillonnantes que la
sorcière appelait sa tourbière. Au-delà s'élevait sa
maison au milieu d'une étrange forêt. Les arbres et les
buissons étaient des polypes, mi-animaux mi-plantes, ils
avaient l'air de serpents aux centaines de têtes sorties
de terre. Toutes les branches étaient des bras, longs et
visqueux, aux doigts souples comme des vers et leurs
anneaux remuaient de la racine à la pointe. Ils
s'enroulaient autour de tout ce qu'ils pouvaient saisir
dans la mer et ne lâchaient jamais prise.
Debout dans la forêt la petite sirène s'arrêta tout
effrayée, son cœur battait d'angoisse et elle fut
sur le point de s'en retourner, mais elle pensa au
prince, à l'âme humaine et elle reprit courage. Elle
enroula, bien serrés autour de sa tête, ses longs
cheveux flottants pour ne pas donner prise aux polypes,
croisa ses mains sur sa poitrine et s'élança comme le
poisson peut voler à travers l'eau, au milieu des hideux
polypes qui étendaient vers elle leurs bras et leurs
doigts.
Elle arriva dans la forêt à un espace visqueux où
s'ébattaient de grandes couleuvres d'eau montrant des
ventres jaunâtres, affreux et gras. Au milieu de cette
place s'élevait une maison construite en ossements
humains. La sorcière y était assise et donnait à
manger à un crapaud sur ses lèvres, comme on donne du
sucre à un canari.
- Je sais bien ce que tu veux, dit la sorcière, et c'est
bien bête de ta part ! Mais ta volonté sera faite car
elle t'apportera le malheur, ma charmante princesse. Tu
voudrais te débarrasser de ta queue de poisson et avoir
à sa place deux moignons pour marcher comme le font les
hommes afin que le jeune prince s'éprenne de toi, que tu
puisses l'avoir, en même temps qu'une âme immortelle. A
cet instant, la sorcière éclata d'un rire si bruyant et
si hideux que le crapaud et les couleuvres tombèrent à
terre et grouillèrent.
- Tu viens juste au bon moment, ajouta-t-elle, demain
matin, au lever du soleil, je n'aurais plus pu t'aider
avant une année entière. Je vais te préparer un
breuvage avec lequel tu nageras, avant le lever du jour,
jusqu'à la côte et là, assise sur la grève, tu le
boiras. Alors ta queue se divisera et se rétrécira
jusqu'à devenir ce que les hommes appellent deux jolies
jambes, mais cela fait mal, tu souffriras comme si la
lame d'une épée te traversait. Tous, en te voyant,
diront que tu es la plus ravissante enfant des hommes
qu'ils aient jamais vue. Tu garderas ta démarche ailée,
nulle danseuse n'aura ta légèreté, mais chaque pas que
tu feras sera comme si tu marchais sur un couteau effilé
qui ferait couler ton sang. Si tu veux souffrir tout
cela, je t'aiderai.
- Oui, dit la petite sirène d'une voix tremblante en
pensant au prince et à son âme immortelle.
- Mais n'oublie pas, dit la sorcière, que lorsque tu
auras une apparence humaine, tu ne pourras jamais
redevenir sirène, jamais redescendre auprès de tes
sœurs dans le palais de ton père. Et si tu ne
gagnes pas l'amour du prince au point qu'il oublie pour
toi son père et sa mère, qu'il s'attache à toi de
toutes ses pensées et demande au pasteur d'unir vos
mains afin que vous soyez mari et femme, alors tu n'auras
jamais une âme immortelle. Le lendemain matin du jour
où il en épouserait une autre, ton cœur se
briserait et tu ne serais plus qu'écume sur la mer.
- Je le veux, dit la petite sirène, pâle comme une
morte.
- Mais moi, il faut aussi me payer, dit la sorcière, et
ce n'est pas peu de chose que je te demande. Tu as la
plus jolie voix de toutes ici-bas et tu crois sans doute
grâce à elle ensorceler ton prince, mais cette voix, il
faut me la donner. Le meilleur de ce que tu possèdes, il
me le faut pour mon précieux breuvage ! Moi, j'y mets de
mon sang afin qu'il soit coupant comme une lame à deux
tranchants.
- Mais si tu prends ma voix, dit la petite sirène, que
me restera-t-il ?
- Ta forme ravissante, ta démarche ailée et le langage
de tes yeux, c'est assez pour séduire un cœur
d'homme. Allons, as-tu déjà perdu courage ? Tends ta
jolie langue, afin que je la coupe pour me payer et je te
donnerai le philtre tout puissant.
- Qu'il en soit ainsi, dit la petite sirène, et la
sorcière mit son chaudron sur le feu pour faire cuire la
drogue magique.
- La propreté est une bonne chose, dit-elle en récurant
le chaudron avec les couleuvres dont elle avait fait un
nœud.
Elle s'égratigna le sein et laissa couler son sang
épais et noir. La vapeur s'élevait en silhouettes
étranges, terrifiantes. A chaque instant la sorcière
jetait quelque chose dans le chaudron et la mixture se
mit à bouillir, on eût cru entendre pleurer un
crocodile. Enfin le philtre fut à point, il était clair
comme l'eau la plus pure !
- Voilà, dit la sorcière et elle coupa la langue de la
petite sirène. Muette, elle ne pourrait jamais plus ni
chanter, ni parler.
- Si les polypes essayent de t'agripper, lorsque tu
retourneras à travers la forêt, jette une seule goutte
de ce breuvage sur eux et leurs bras et leurs doigts se
briseront en mille morceaux.
La petite sirène n'eut pas à le faire, les polypes
reculaient effrayés en voyant le philtre lumineux qui
brillait dans sa main comme une étoile. Elle traversa
rapidement la forêt, le marais et le courant mugissant.
Elle était devant le palais de son père. Les lumières
étaient éteintes dans la grande salle de bal, tout le
monde dormait sûrement, et elle n'osa pas aller auprès
des siens maintenant qu'elle était muette et allait les
quitter pour toujours. Il lui sembla que son cœur se
brisait de chagrin. Elle se glissa dans le jardin,
cueillit une fleur du parterre de chacune de ses
sœurs, envoya de ses doigts mille baisers au palais
et monta à travers l'eau sombre et bleue de la mer. Le
soleil n'était pas encore levé lorsqu'elle vit le
palais du prince et gravit les degrés du magnifique
escalier de marbre. La lune brillait merveilleusement
claire. La petite sirène but l'âpre et brûlante
mixture, ce fut comme si une épée à deux tranchants
fendait son tendre corps, elle s'évanouit et resta
étendue comme morte. Lorsque le soleil resplendit
au-dessus des flots, elle revint à elle et ressentit une
douleur aiguë. Mais devant elle, debout, se tenait le
jeune prince, ses yeux noirs fixés si intensément sur
elle qu'elle en baissa les siens et vit qu'à la place de
sa queue de poisson disparue, elle avait les plus jolies
jambes blanches qu'une jeune fille pût avoir. Et comme
elle était tout à fait nue, elle s'enveloppa dans sa
longue chevelure.
Le prince demanda qui elle était, comment elle était
venue là, et elle leva vers lui doucement, mais
tristement, ses grands yeux bleus puis qu'elle ne pouvait
parler.
Alors il la prit par la main et la conduisit au palais. A
chaque pas, comme la sorcière l'en avait prévenue, il
lui semblait marcher sur des aiguilles pointues et des
couteaux aiguisés, mais elle supportait son mal. Sa main
dans la main du prince, elle montait aussi légère
qu'une bulle et lui-même et tous les assistants
s'émerveillèrent de sa démarche gracieuse et
ondulante.
On lui fit revêtir les plus précieux vêtements de soie
et de mousseline, elle était au château la plus belle,
mais elle restait muette. Des esclaves ravissantes,
parées de soie et d'or, venaient chanter devant le
prince et ses royaux parents. L'une d'elles avait une
voix plus belle encore que les autres. Le prince
l'applaudissait et lui souriait, alors une tristesse
envahit la petite sirène, elle savait qu'elle-même
aurait chanté encore plus merveilleusement et elle
pensait : « Oh! si seulement il savait que pour rester
près de lui, j'ai renoncé à ma voix à tout jamais !
»
Puis les esclaves commencèrent à exécuter au son d'une
musique admirable, des danses légères et gracieuses.
Alors la petite sirène, élevant ses beaux bras blancs,
se dressa sur la pointe des pieds et dansa avec plus de
grâce qu'aucune autre. Chaque mouvement révélait
davantage le charme de tout son être et ses yeux
s'adressaient au cœur plus profondément que le
chant des esclaves.
Tous en étaient enchantés et surtout le prince qui
l'appelait sa petite enfant trouvée.
Elle continuait à danser et danser mais chaque fois que
son pied touchait le sol, C'était comme si elle avait
marché sur des couteaux aiguisés. Le prince voulut
l'avoir toujours auprès de lui, il lui permit de dormir
devant sa porte sur un coussin de velours.
Il lui fit faire un habit d'homme pour qu'elle pût le
suivre à cheval. Ils chevauchaient à travers les bois
embaumés où les branches vertes lui battaient les
épaules, et les petits oiseaux chantaient dans le frais
feuillage. Elle grimpa avec le prince sur les hautes
montagnes et quand ses pieds si délicats saignaient et
que les autres s'en apercevaient, elle riait et le
suivait là- haut d'où ils admiraient les nuages
défilant au-dessous d'eux comme un vol d'oiseau
migrateur partant vers des cieux lointains.
La nuit, au château du prince, lorsque les autres
dormaient, elle sortait sur le large escalier de marbre
et, debout dans l'eau froide, elle rafraîchissait ses
pieds brûlants. Et puis, elle pensait aux siens, en bas,
au fond de la mer.
Une nuit elle vit ses sœurs qui nageaient enlacées,
elles chantaient tristement et elle leur fit signe. Ses
sœurs la reconnurent et lui dirent combien elle
avait fait de peine à tous. Depuis lors, elles lui
rendirent visite chaque soir, une fois même la petite
sirène aperçut au loin sa vieille grand-mère qui
depuis bien des années n'était montée à travers la
mer et même le roi, son père, avec sa couronne sur la
tête. Tous deux lui tendaient le bras mais n'osaient
s'approcher au- tant que ses sœurs.
De jour en jour, elle devenait plus chère au prince ; il
l'aimait comme on aime un gentil enfant tendrement
chéri, mais en faire une reine ! Il n'en avait pas la
moindre idée, et c'est sa femme qu'il fallait qu'elle
devînt, sinon elle n'aurait jamais une âme immortelle
et, au matin qui suivrait le jour de ses noces, elle ne
serait plus qu'écume sur la mer.
- Ne m'aimes-tu pas mieux que toutes les autres ?
semblaient dire les yeux de la petite sirène quand il la
prenait dans ses bras et baisait son beau front.
- Oui, tu m'es la plus chère, disait le prince, car ton
cœur est le meilleur, tu m'est la plus dévouée et
tu ressembles à une jeune fille une fois aperçue, mais
que je ne retrouverai sans doute jamais. J'étais sur un
vaisseau qui fit naufrage, les vagues me jetèrent sur la
côte près d'un temple desservi par quelques jeunes
filles ; la plus jeune me trouva sur le rivage et me
sauva la vie. Je ne l'ai vue que deux fois et elle est la
seule que j'eusse pu aimer d'amour en ce monde, mais toi
tu lui ressembles, tu effaces presque son image dans mon
âme puisqu'elle appartient au temple. C'est ma bonne
étoile qui t'a envoyée à moi. Nous ne nous quitterons
jamais.
" Hélas ! il ne sait pas que c'est moi qui ai
sauvé sa vie ! pensait la petite sirène. Je l'ai porté
sur les flots jusqu'à la forêt près de laquelle
s'élève le temple, puis je me cachais derrière
l'écume et regardais si personne ne viendrait. J'ai vu
la belle jeune fille qu'il aime plus que moi. "
La petite sirène poussa un profond soupir. Pleurer, elle
ne le pouvait pas.
- La jeune fille appartient au lieu saint, elle n'en
sortira jamais pour retourner dans le monde, ils ne se
rencontreront plus, moi, je suis chez lui, je le vois
tous les jours, je le soignerai, je l'adorerai, je lui
dévouerai ma vie.
Mais voilà qu'on commence à murmurer que le prince va
se marier, qu'il épouse la ravissante jeune fille du roi
voisin, que c'est pour cela qu'il arme un vaisseau
magnifique ... On dit que le prince va voyager pour voir
les Etats du roi voisin, mais c'est plutôt pour voir la
fille du roi voisin et une grande suite l'accompagnera
... Mais la petite sirène secoue la tête et rit, elle
connaît les pensées du prince bien mieux que tous les
autres.
- Je dois partir en voyage, lui avait-il dit. Je dois
voir la belle princesse, mes parents l'exigent, mais
m'obliger à la ramener ici, en faire mon épouse, cela
ils n'y réussiront pas, je ne peux pas l'aimer d'amour,
elle ne ressemble pas comme toi à la belle jeune fille
du temple. Si je devais un jour choisir une épouse ce
serait plutôt toi, mon enfant trouvée qui ne dis rien,
mais dont les yeux parlent.
Et il baisait ses lèvres rouges, jouait avec ses longs
cheveux et posait sa tête sur son cœur qui se
mettait à rêver de bonheur humain et d'une âme
immortelle.
- Toi, tu n'as sûrement pas peur de la mer, ma petite
muette chérie ! lui dit-il lorsqu'ils montèrent à bord
du vaisseau qui devait les conduire dans le pays du roi
voisin.
Il lui parlait de la mer tempétueuse et de la mer calme,
des étranges poissons des grandes profondeurs et de ce
que les plongeurs y avaient vu. Elle souriait de ce qu'il
racontait, ne connaissait-elle pas mieux que quiconque le
fond de l'océan? Dans la nuit, au clair de lune, alors
que tous dormaient à bord, sauf le marin au gouvernail,
debout près du bastingage elle scrutait l'eau limpide,
il lui semblait voir le château de son père et, dans
les combles, sa vieille grand- mère, couronne d'argent
sur la tête, cherchant des yeux à travers les courants
la quille du bateau. Puis ses sœurs arrivèrent à
la surface, la regardant tristement et tordant leurs
mains blanches. Elle leur fit signe, leur sourit, voulut
leur dire que tout allait bien, qu'elle était heureuse,
mais un mousse s'approchant, les sœurs replongèrent
et le garçon demeura persuadé que cette blancheur
aperçue n'était qu'écume sur l'eau.
Le lendemain matin le vaisseau fit son entrée dans le
port splendide de la capitale du roi voisin. Les cloches
des églises sonnaient, du haut des tours on soufflait
dans les trompettes tandis que les soldats sous les
drapeaux flottants présentaient les armes.
Chaque jour il y eut fête; bals et réceptions se
succédaient mais la princesse ne paraissait pas encore.
On disait qu'elle était élevée au loin, dans un
couvent où lui étaient enseignées toutes les vertus
royales.
Elle vint, enfin !
La petite sirène était fort impatiente de juger de sa
beauté. Il lui fallut reconnaître qu'elle n'avait
jamais vu fille plus gracieuse. Sa peau était douce et
pâle et derrière les longs cils deux yeux fidèles,
d'un bleu sombre, souriaient. C'était la jeune fille du
temple ...
- C'est toi ! dit le prince, je te retrouve - toi qui
m'as sauvé lorsque je gisais comme mort sur la grève !
Et il serra dans ses bras sa fiancée rougissante. Oh !
je suis trop heureux, dit-il à la petite sirène. Voilà
que se réalise ce que je n'eusse jamais osé espérer.
Toi qui m'aimes mieux que tous les autres, tu te
réjouiras de mon bonheur.
La petite sirène lui baisait les mains, mais elle
sentait son cœur se briser. Ne devait-elle pas
mourir au matin qui suivrait les noces ? Mourir et
n'être plus qu'écume sur la mer !
Des hérauts parcouraient les rues à cheval proclamant
les fiançailles. Bientôt toutes les cloches des
églises sonnèrent, sur tous les autels des huiles
parfumées brûlaient dans de précieux vases d'argent,
les prêtres balancèrent les encensoirs et les époux se
tendirent la main et reçurent la bénédiction de
l'évêque.
La petite sirène, vêtue de soie et d'or, tenait la
traîne de la mariée mais elle n'entendait pas la
musique sacrée, ses yeux ne voyaient pas la cérémonie
sainte, elle pensait à la nuit de sa mort, à tout ce
qu'elle avait perdu en ce monde.
Le soir même les époux s'embarquèrent aux salves des
canons, sous les drapeaux flottants.
Au milieu du pont, une tente d'or et de pourpre avait
été dressée, garnie de coussins moelleux où les
époux reposeraient dans le calme et la fraîcheur de la
nuit.
Les voiles se gonflèrent au vent et le bateau glissa
sans effort et sans presque se balancer sur la mer
limpide. La nuit venue on alluma des lumières de toutes
les couleurs et les marins se mirent à danser.
La petite sirène pensait au soir où, pour la première
fois, elle avait émergé de la mer et avait aperçu le
même faste et la même joie. Elle se jeta dans le
tourbillon de la danse, ondulant comme ondule un cygne
pourchassé et tout le monde l'acclamait et l'admirait :
elle n'avait jamais dansé si divinement. Si des lames
aiguës transperçaient ses pieds délicats, elle ne les
sentait même pas, son cœur était meurtri d'une
bien plus grande douleur. Elle savait qu'elle le voyait
pour la dernière fois, lui, pour lequel elle avait
abandonné les siens et son foyer, perdu sa voix exquise
et souffert chaque jour d'indicibles tourments, sans
qu'il en eût connaissance. C'était la dernière nuit
où elle respirait le même air que lui, la dernière
fois qu'elle pouvait admirer cette mer profonde, ce ciel
plein d'étoiles.
La nuit éternelle, sans pensée et sans rêve,
l'attendait, elle qui n'avait pas d'âme et n'en pouvait
espérer.
Sur le navire tout fut plaisir et réjouissance jusque
bien avant dans la nuit. Elle dansait et riait mais la
pensée de la mort était dans son cœur. Le prince
embrassait son exquise épouse qui caressait les cheveux
noirs de son époux, puis la tenant à son bras il
l'amena se reposer sous la tente splendide.
Alors, tout fut silence et calme sur le navire. Seul
veillait l'homme à la barre. La petite sirène appuya
ses bras sur le bastingage et chercha à l'orient la
première lueur rose de l'aurore, le premier rayon du
soleil qui allait la tuer.
Soudain elle vit ses sœurs apparaître au-dessus de
la mer. Elles étaient pâles comme elle-même, leurs
longs cheveux ne flottaient plus au vent, on les avait
coupés.
- Nous les avons sacrifiés chez la sorcière pour
qu'elle nous aide, pour que tu ne meures pas cette nuit.
Elle nous a donné un couteau. Le voici. Regarde comme il
est aiguisé ... Avant que le jour ne se lève, il faut
que tu le plonges dans le cœur du prince et lorsque
son sang tout chaud tombera sur tes pieds, ils se
réuniront en une queue de poisson et tu redeviendras
sirène. Tu pourras descendre sous l'eau jusque chez nous
et vivre trois cents ans avant de devenir un peu d'écume
salée. Hâte-toi ! L'un de vous deux doit mourir avant
l'aurore. Notre vieille grand-mère a tant de chagrin
qu'elle a, comme nous, laissé couper ses cheveux blancs
par les ciseaux de la sorcière. Tue le prince, et
reviens-nous. Hâte-toi ! Ne vois-tu pas déjà cette
traînée rose à l'horizon ? Dans quelques minutes le
soleil se lèvera et il te faudra mourir.
Un soupir étrange monta à leurs lèvres et elles
s'enfoncèrent dans les vagues. La petite sirène écarta
le rideau de pourpre de la tente, elle vit la douce
épousée dormant la tête appuyée sur l'épaule du
prince. Alors elle se pencha et posa un baiser sur le
beau front du jeune homme. Son regard chercha le ciel de
plus en plus envahi par l'aurore, puis le poignard
pointu, puis à nouveau le prince, lequel, dans son
sommeil, murmurait le nom de son épouse qui occupait
seule ses pensées, et le couteau trembla dans sa main.
Alors, tout à coup, elle le lança au loin dans les
vagues qui rougirent à l'endroit où il toucha les flots
comme si des gouttes de sang jaillissaient à la surface.
Une dernière fois, les yeux voilés, elle contempla le
prince et se jeta dans la mer où elle sentit son corps
se dissoudre en écume.
Maintenant le soleil surgissait majestueusement de la
mer. Ses rayons tombaient doux et chauds sur l'écume
glacée et la petite sirène ne sentait pas la mort. Elle
voyait le clair soleil et, au-dessus d'elle, planaient
des centaines de charmants êtres transparents. A travers
eux, elle apercevait les voiles blanches du navire, les
nuages roses du ciel, leurs voix étaient mélodieuses,
mais si immatérielles qu'aucune oreille terrestre ne
pouvait les capter, pas plus qu'aucun regard humain ne
pouvait les voir. Sans ailes, elles flottaient par leur
seule légèreté à travers l'espace. La petite sirène
sentit qu'elle avait un corps comme le leur, qui
s'élevait de plus en plus haut au-dessus de l'écume.
- Où vais-je ? demanda-t-elle. Et sa voix, comme celle
des autres êtres, était si immatérielle qu'aucune
musique humaine ne peut l'exprimer.
- Chez les filles de l'air, répondirent-elles. Une
sirène n'a pas d'âme immortelle, ne peut jamais en
avoir, à moins de gagner l'amour d'un homme. C'est d'une
volonté étrangère que dépend son existence
éternelle. Les filles de l'air n'ont pas non plus d'âme
immortelle, mais elles peuvent, par leurs bonnes actions,
s'en créer une. Nous nous envolons vers les pays chauds
où les effluves de la peste tuent les hommes, nous y
soufflons la fraîcheur. Nous répandons le parfum des
fleurs dans l'atmosphère et leur arôme porte le
réconfort et la guérison. Lorsque durant trois cents
ans nous nous sommes efforcées de faire le bien, tout le
bien que nous pouvons, nous obtenons une âme immortelle
et prenons part à l'éternelle félicité des hommes.
Toi, pauvre petite sirène, tu as de tout cœur
cherché le bien comme nous, tu as souffert et supporté
de souffrir, tu t'es haussée jusqu'au monde des esprits
de l'air, maintenant tu peux toi-même, par tes bonnes
actions, te créer une âme immortelle dans trois cents
ans.Alors, la petite sirène leva ses bras transparents
vers le soleil de Dieu et, pour la première fois, des
larmes montèrent à ses yeux.
Sur le bateau, la vie et le bruit avaient repris, elle
vit le prince et sa belle épouse la chercher de tous
côtés, elle les vit fixer tristement leurs regards sur
l'écume dansante , comme s'ils avaient deviné qu'elle
s'était précipitée dans les vagues. Invisible elle
baisa le front de l'époux, lui sourit et avec les autres
filles de l'air elle monta vers les nuages roses qui
voguaient dans l'air.
- Dans trois cents ans, nous entrerons ainsi au royaume
de Dieu.
- Nous pouvons même y entrer avant, murmura l'une
d'elles. Invisibles nous pénétrons dans les maisons des
hommes où il y a des enfants et, chaque fois que nous
trouvons un enfant sage, qui donne de la joie à ses
parents et mérite leur amour, Dieu raccourcit notre
temps d'épreuve.
Lorsque nous voltigeons à travers la chambre et que de
bonheur nous sourions, l'enfant ne sait pas qu'un an nous
est soustrait sur les trois cents, mais si nous trouvons
un enfant cruel et méchant, il nous faut pleurer de
chagrin et chaque larme ajoute une journée à notre
temps d'épreuve



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مُساهمةموضوع: رد: La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen   La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen I_icon_minitimeالإثنين 20 مايو 2013, 00:46

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مُساهمةموضوع: رد: La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen   La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen I_icon_minitimeالإثنين 20 مايو 2013, 01:14

Pour demain , lisez le texte
La Petite Sirène
Page 154 de Hans Christian Andersen

Dis-le à tes camarades de classe


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مُساهمةموضوع: رد: La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen   La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen I_icon_minitimeالإثنين 20 مايو 2013, 08:23

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مُساهمةموضوع: رد: La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen   La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen I_icon_minitimeالإثنين 20 مايو 2013, 16:55

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مُساهمةموضوع: رد: La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen   La petite sirène.... Conte d'après: Hans Christian Andersen I_icon_minitimeالثلاثاء 21 مايو 2013, 11:41

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