Il était une fois, effectivement, un vieux couple heureux. Des berbères
de la montagne marocaine, soumis au rythme doux de la vie
villageoise, à l'observation des saisons et des couleurs du ciel. Le vieil
homme, revenu d'un passé agité, passe ses journées à calligraphier en
langue tifinagh, héritée des anciens touaregs, un long poème à la gloire
d'un saint. Sa poésie sera chantée à la radio, diffusée en cassettes,
imprimée et reconnue. Les portraits de visiteurs, étudiants américains
ou amis revenant de l'étranger, ou de héros locaux promis à la
désuétude, tel le forgeron africain, agrémentent le rythme austère des
journées, scandées par la cérémonie du thé ou la préparation des plats
ancestraux, dont un délicieux couscous aux jeunes pousses de navet.
Tout en maugréant contre la « modernité fanfaronne » et ceux qu'il
appelle les « parvenus », il entreprend un nouveau poème sur le thème
de l'arc-en-ciel. Loin des fulgurances et des éclats flamboyants et
sombres qui ont fait sa gloire, l'auteur d'Agadir et du Déterreur, mort
en 1995, nous livre ici plus qu'un testament : le roman de l'apaisement
qu'il avait tant rêvé