Emmanuel Robles est né à Oran en Algérie le 4 mai 1914. Son père est
décédé avant sa naissance, il a donc grandi entouré de femmes. L'absence
du père est une dominante dans son oeuvre. D'une famille ouvrière, il
est reçu à l'Ecole Normale d'Alger. Le charme de cette ville le retient
et il s'y fixera un peu plus tard. A l'Ecole Normale, il a pour
condisciple Mouloud Féraoun.
avec sa mère et son frère aîné René en 1919. | A l'âge de 7 ans, en 1921. |
Il obtient de faire son service militaire à Blida, puis à Alger
où il se lie aux jeunes écrivains groupés autour du libraire-éditeur
Edmond Charlot qui vient de publier
"L'Envers et l'Endroit" d'Albert
Camus. Il s'inscrit à la Faculté des Lettres pour préparer
une licence d'espagnol tout en collaborant à
"l'Alger républicain" dont Albert Camus est rédacteur en chef et qui publiera
"la Vallée
du paradis". Ce roman d'Emmanuel Robles (le second après
l'Action)
parut en feuilleton sous le pseudonyme d'Emmanuel Chênes.
Avec sa femme à Nice. | Son père en 1913. |
La guerre oblige Emmanuel Robles à cesser ses études et il devient
interprète auxiliaire de l'armée, puis officier-interprète jusqu'à ce
que le général Bouscat, commandant l'air en Afrique du nord, le nomme
correspondant de guerre en 1943. Il visite à ce titre la Corse, la
Sardaigne, l'Italie du sud, participe à des missions de bombardement sur
l'Italie du nord et des îles de l'Adriatique occupées par les
allemands.
Cette période est pour lui très mouvementée et lui vaut, en particulier,
les émotions fortes de plusieurs accidents d'avion. Il se trouve dans
le bombardier quadrimoteur qui s'écrase en feu au décollage de
Toulouse-Francazal et qui fait cinq victimes dont le colonel Chopin qui
commandait l'air en Syrie. Il figure également parmi les passagers de
l'hydravion hexamoteur (Laté631 pour les connaisseurs) dont un moteur
explose en vol au dessus de l'Uruguay et tue le cinéaste français
Jacques-Emile Ancel ainsi que le rédacteur en chef du quotidien
brésilien "O Globo".
Les premiers jours de mai 1945, et la fin de la guerre avaient trouvé
Robles en Allemagne. Il fut démobilisé à Paris avec beaucoup de
souvenirs et la cicatrice d'une blessure au bras (en 1943, on l'avait
fusillé presque à bout portant au cours d'une chasse à des aviateurs
allemands parachutés).
Dès lors, il s'efforce de vivre de sa plume à Paris et collabore à divers quotidiens et hebdomadaires:
Le Populaire, Gavroche, Combat, Aviation Française, etc. Repris pas la nostalgie d'Alger, il y retourne en 1947 et fonde une revue littéraire
"Forge",
qui demeure la première tentative sérieuse de synthèse
franco-nord-africaine. Parmi les signatures de collaborateurs, on trouve
en particulier celles de Mohammed Dib, Yacine Kateb, Jean Senac, Ahmed
Séfrioui, Malek Ouary...
Durant cette année 1947, et sous le coup de l'émotion soulevée par les évènements de mai 1945 en Algérie, il écrit
"Les Hauteurs de la ville", roman qui obtient le Prix Fémina l'année suivante. Il écrit également sa première pièce
"Montserrat".
C'est un titre provisoire, mais le manuscrit déposé à Paris entre les
mains de Charles Dullin est retenu par le Comité de l'Aide à la Première
pièce sans qu'il ait le temps de lui donner un titre définitif.
L'oeuvre créée le même jour à Alger et à Paris (Théâtre Montparnasse)
obtient tout de suite un retentissement considérable. Elle a été
traduite à ce jour en une vingtaine de langues dont le Chinois, le
Finlandais, l'Israélien, l'Africain, le Serbe, l'Arabe littéraire et
l'Arabe dialectal.
"Montserrat" reçoit en juin 1948 le Prix de Portique réservé cette année là à un dramaturge.
Parallèlement à sa création littéraire, Robles voyage beaucoup. Il avait
déjà visité avant la guerre plusieurs pays d'Europe dont l'URSS en 1934
et l'Indochine et la Chine du Sud en 1935. Un souvenir de ces voyages
figure dans son recueil de nouvelles
"Nuits sur le Monde" (Charlot 1944) et c'est l'aventure de
"La Danse du Dragon" avec le naufrage évité de justesse dans la traversée du Mékong.
Emmanuel Robles a été l'un des premiers à traduire les écrits poétiques de Federico Garcia Lorca :
Prologue (Alger, 1940, "Méditerranée") et
Romances historiques (Alger, 1942, "Poésie et théâtre").
De son séjour au Mexique en 1954, il a rapporté le thème de son roman
"Les Couteaux" et de son voyage au Japon en 1957, celui de son récit
"L'homme d'Avril".
Durant ces années là, Robles a fait jouer une autre pièce
"La vérité est morte" à la Comédie française et publié un roman dont le succès est très vif:
"Cela s'appelle l'Aurore".
Luis Bunuel en tire un film avec Lucia Bosé et Georges Marchal pour
principaux acteurs. Il s'est passionné pour l'activité d'une compagnie
théâtrale d'amateurs: "Le Théâtre de la rue" dont il a été l'un des
fondateurs. Pour cette compagnie, il écrit spécialement une farce en
trois actes intitulée
"Porfirio". Il s'est, de la même
manière, intéressé de très près aux problèmes de l'Education populaire
et figure parmi ses animateurs et ses propagandistes les plus
convaincus. Puis, à Paris, il est membre du Comité directeur du
mouvement "Peuple et culture". Il dirige également aux éditions du Seuil
une collection littéraire "Méditerranée" qui a révélé des écrivains
comme Mouloud Feraoun, Mohammed Dib, Vilallonga et Marie Susini.
Il se tournera ensuite vers le cinéma: il collaborera avec Luis Bunuel pour
Cela s'appelle l'aurore et Lucchino Visconti pour l'adaptation de
l'Etranger de Camus ainsi que pour des dialogues et des adaptations télévisées.
Il sera élu membre de l'Académie Goncourt en 1973 au fauteuil de Roland Dorgeles.
Emmanuel Robles est décédé en 1995 à Boulogne (Hauts de Seine). Sa pièce
Montserrat a été reprise au Festival d'Avignon en 1997. Ses oeuvres
principales sont aujourd'hui disponibles dans les collections de Poche.
Source:"Simoun" 1959.