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  Aux champs par Guy de MAUPASSANT

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مُساهمةموضوع: Aux champs par Guy de MAUPASSANT     Aux champs par Guy de MAUPASSANT I_icon_minitimeالثلاثاء 17 مايو 2011, 19:17

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Aux champs par Guy de MAUPASSANT
Les deux chaumières étaient côte à côte, au
pied d'une colline, proches d'une petite ville de bains. Les deux paysans
besognaient dur sur la terre inféconde pour élever tous leurs petits. Chaque
ménage en avait quatre. Devant les deux portes voisines, toute la marmaille
grouillait du matin au soir. Les deux aînés avaient six ans et les deux cadets
quinze mois environ ; les mariages et, ensuite les naissances, s'étaient produits
à peu près simultanément dans l'une et l'autre maison.



Les deux
mères distinguaient à peine leurs produits dans le tas ; et les deux pères
confondaient tout à fait. Les huit noms dansaient dans leur tête, se mêlaient
sans cesse ; et, quand il fallait en appeler un, les hommes souvent en criaient
trois avant d'arriver au véritable.

La première
des deux demeures, en venant de la station d'eaux de Rolle port, était occupée
par les Tuvache, qui avaient trois filles et un garçon ; l'autre masure
abritait les Vallin, qui avaient une fille et trois garçons.


Tout cela
vivait péniblement de soupe, de pomme de terre et de grand air. A sept heures,
le matin, puis à midi, puis à six heures, le soir, les ménagères réunissaient
leurs mioches pour donner la pâtée, comme des gardeurs d'oies assemblent leurs
bêtes. Les enfants étaient assis, par rang d'âge, devant la table en bois,
vernie par cinquante ans d'usage. Le dernier moutard avait à peine la bouche au
niveau de la planche. On posait devant eux l'assiette creuse pleine de pain
molli dans l'eau où avaient cuit les pommes de terre, un demi-chou et trois
oignons ; et toute la lignée mangeait jusqu'à plus faim. La mère empâtait
elle-même le petit. Un peu de viande au pot-au-feu, le dimanche, était une fête
pour tous, et le père, ce jour-là, s'attardait au repas en répétant : "Je
m'y ferais bien tous les jours"



Par un
après-midi du mois d'août, une légère voiture s'arrêta brusquement devant les
deux chaumières, et une jeune femme, qui conduisait elle-même, dit au monsieur
assis à côté d'elle :

- Oh ! Regarde,
Henri, ce tas d'enfants ! Sont-ils jolis, comme ça, à grouiller dans la
poussière.

L'homme ne
répondit rien, accoutumé à ces admirations qui étaient une douleur et presque
un reproche pour lui.

La jeune
femme reprit :



- Il faut
que je les embrasse ! Oh ! Comme je voudrais en avoir un, celui-là, le tout
petit.

Et, sautant
de la voiture, elle courut aux enfants, prit un des deux derniers, celui des
Tuvache, et, l'enlevant dans ses bras, elle le baisa passionnément sur ses
joues sales, sur ses cheveux blonds frisés et pommadés de terre, sur ses
menottes qu'il agitait pour se débarrasser des caresses ennuyeuses.

Puis elle
remonta dans sa voiture et partit au grand trot. Mais elle revint la semaine
suivante, s'assit elle-même par terre, prit le moutard dans ses bras, le bourra
de gâteaux, donna des bonbons à tous les autres ; et joua avec eux comme une
gamine, tandis que son mari attendait patiemment dans sa frêle voiture.

Elle revint
encore, fit connaissance avec les parents, reparut tous les jours, les poches
pleines de friandises et de sous.

Elle
s'appelait Mme Henri d'Hubière.

Un matin, en
arrivant, son mari descendit avec elle ; et, sans s'arrêter aux mioches, qui la
connaissaient bien maintenant, elle pénétra dans la demeure des paysans.

Ils étaient
là, en train de fendre du bois pour la soupe ; ils se redressèrent tout
surpris, donnèrent des chaises et attendirent. Alors la jeune femme, d'une voix
entrecoupée, tremblante commença :

- Mes braves
gens, je viens vous trouver parce que je voudrais bien... je voudrais bien
emmener avec moi votre... votre petit garçon...

Les
campagnards, stupéfaits et sans idée, ne répondirent pas.

Elle reprit
haleine et continua.

- Nous
n'avons pas d'enfants ; nous sommes seuls, mon mari et moi... Nous le
garderions... voulez-vous ?

La paysanne
commençait à comprendre. Elle demanda :

- Vous
voulez nous prend'e Charlot ? Ah ben non, pour sûr.

Alors M. d'Hubière
intervint :

- Ma femme
s'est mal expliquée. Nous voulons l'adopter, mais il reviendra vous voir. S'il
tourne bien, comme tout porte à le croire, il sera notre héritier. Si nous
avions, par hasard, des enfants, il partagerait également avec eux. Mais s'il
ne répondait pas à nos soins, nous lui donnerions, à sa majorité, une somme de
vingt mille francs, qui sera immédiatement déposée en son nom chez un notaire.
Et, comme on a aussi pensé à vous, on vous servira jusqu'à votre mort, une
rente de cent francs par mois. Avez-vous bien compris ?

La fermière
s'était levée, toute furieuse.

- Vous
voulez que j'vous vendions Charlot ? Ah ! Mais non ; c'est pas des choses qu'on
d'mande à une mère çà ! Ah ! Mais non ! Ce serait abomination.

L'homme ne
disait rien, grave et réfléchi ; mais il approuvait sa femme d'un mouvement
continu de la tête.

Mme d'Hubière,
éperdue, se mit à pleurer, et, se tournant vers son mari, avec une voix pleine
de sanglots, une voix d'enfant dont tous les désirs ordinaires sont satisfaits,
elle balbutia :

- Ils ne
veulent pas, Henri, ils ne veulent pas !

Alors ils
firent une dernière tentative.

- Mais, mes
amis, songez à l'avenir de votre enfant, à son bonheur, à ...

La paysanne,
exaspérée, lui coupa la parole :

- C'est tout
vu, c'est tout entendu, c'est tout réfléchi... Allez-vous-en, et pi, que j'vous
revoie point par ici. C'est i permis d'vouloir prendre un éfant comme ça !

Alors Mme d'Hubière,
en sortant, s'avisa qu'ils étaient deux tout petits, et elle demanda à travers
ses larmes, avec une ténacité de femme volontaire et gâtée, qui ne veut jamais
attendre :

- Mais
l'autre petit n'est pas à vous ?

Le père
Tuvache répondit :

- Non, c'est
aux voisins ; vous pouvez y aller si vous voulez.

Et il rentra
dans sa maison, où retentissait la voix indignée de sa femme.

Les Vallin
étaient à table, en train de manger avec lenteur des tranches de pain qu'ils
frottaient parcimonieusement avec un peu de beurre piqué au couteau, dans une
assiette entre eux deux.

M. d'Hubière
recommença ses propositions, mais avec plus d'insinuations, de précautions
oratoires, d'astuce.

Les deux
ruraux hochaient la tête en signe de refus ; mais quand ils apprirent qu'ils
auraient cent francs par mois, ils se considèrent, se consultant de l'oeil,
très ébranlés.

Ils
gardèrent longtemps le silence, torturés, hésitants. La femme enfin demanda :

- Qué
qu't'en dis, l'homme ? Il prononça d'un ton sentencieux :

- J'dis
qu'c'est point méprisable.

Alors Mme d'Hubière,
qui tremblait d'angoisse, leur parla de l'avenir du petit, de son bonheur, et
de tout l'argent qu'il pourrait leur donner plus tard.

Le paysan
demanda :

- C'te rente
de douze cents francs, ce s'ra promis d'vant l'notaire ?

M. d'Hubière
répondit :

- Mais
certainement, dès demain.

La fermière,
qui méditait, reprit :

- Cent
francs par mois, c'est point suffisant pour nous priver du p'tit ; ça
travaillera dans quéqu'z'ans ct'éfant ; i nous faut cent vingt francs.

Mme d'Hubière
trépignant d'impatience, les accorda tout de suite ; et, comme elle voulait
enlever l'enfant, elle donna cent francs en cadeau pendant que son mari faisait
un écrit. Le maire et un voisin, appelé aussitôt, servirent de témoins
complaisants.

Et le jeune
femme, radieuse, emporta le marmot hurlant, comme on emporte un bibelot désiré
d'un magasin.

Les Tuvache
sur leur porte, le regardaient partir muets, sévères, regrettant peut-être leur
refus.

On
n'entendit plus du tout parler du petit Jean Vallin. Les parents, chaque mois,
allaient toucher leurs cent vingt francs chez le notaire ; et ils étaient
fâchés avec leurs voisins parce que la mère Tuvache les agonisait d'ignominies,
répétant sans cesse de porte en porte qu'il fallait être dénaturé pour vendre
son enfant, que c'était une horreur, une saleté, une corromperie.

Et parfois
elle prenait en ses bras son Charlot avec ostentation, lui criant, comme s'il
eût compris :

- J't'ai pas
vendu, mé, j't'ai pas vendu, mon p'tiot. J'vends pas m's éfants, mé. J'sieus
pas riche, mais vends pas m's éfants.

Et, pendant
des années et encore des années, ce fut ainsi chaque jour des allusions
grossières qui étaient vociférées devant la porte, de façon à entrer dans la
maison voisine. La mère Tuvache avait fini par se croire supérieure à toute la
contrée parce qu'elle n'avait pas venu Charlot. Et ceux qui parlaient d'elle
disaient :

- J'sais ben
que c'était engageant, c'est égal, elle s'a conduite comme une bonne mère.

On la citait
; et Charlot, qui prenait dix-huit ans, élevé dans cette idée qu'on lui
répétait sans répit, se jugeait lui-même supérieur à ses camarades, parce qu'on
ne l'avait pas vendu.

Les Vallin
vivotaient à leur aise, grâce à la pension. La fureur inapaisable des Tuvache, restés
misérables, venait de là.

Leur fils
aîné partit au service. Le second mourut ; Charlot resta seul à peiner avec le
vieux père pour nourrir la mère et deux autres sœurs cadettes qu'il avait.

Il prenait
vingt et un ans, quand, un matin, une brillante voiture s'arrêta devant les
deux chaumières. Un jeune monsieur, avec une chaîne de montre en or, descendit,
donnant la main à une vieille dame en cheveux blancs. La vieille dame lui dit :

- C'est là,
mon enfant, à la seconde maison.

Et il entra
comme chez lui dans la masure des Vallin.

La vieille
mère lavait ses tabliers ; le père, infirme, sommeillait près de l'âtre. Tous
deux levèrent la tête, et le jeune homme dit :

- Bonjour,
papa ; bonjour maman.

Ils se
dressèrent, effarés. La paysanne laissa tomber d'émoi son savon dans son eau et
balbutia :

- C'est-i
té, m'n éfant ? C'est-i té, m'n éfant ?

Il la prit
dans ses bras et l'embrassa, en répétant : - "Bonjour, maman". Tandis
que le vieux, tout tremblant, disait, de son ton calme qu'il ne perdait jamais
: "Te v'là-t'i revenu, Jean ?". Comme s'il l'avait vu un mois
auparavant.

Et, quand
ils se furent reconnus, les parents voulurent tout de suite sortir le fieu dans
le pays pour le montrer. On le conduisit chez le maire, chez l'adjoint, chez le
curé, chez l'instituteur.

Charlot,
debout sur le seuil de sa chaumière, le regardait passer.

Le soir, au
souper il dit aux vieux :

- Faut-i
qu'vous ayez été sots pour laisser prendre le p'tit aux Vallin !

Sa mère
répondit obstinément :

- J'voulions
point vendre not' éfant !

Le père ne
disait rien.

Le fils
reprit :

- C'est-i
pas malheureux d'être sacrifié comme ça !

Alors le
père Tuvache articula d'un ton coléreux :

- Vas-tu pas
nous r'procher d' t'avoir gardé ?

Et le jeune
homme, brutalement :

- Oui,
j'vous le r'proche, que vous n'êtes que des niants. Des parents comme vous, ça
fait l'malheur des éfants. Qu'vous mériteriez que j'vous quitte.

La bonne
femme pleurait dans son assiette. Elle gémit tout en avalant des cuillerées de
soupe dont elle répandait la moitié :

- Tuez-vous
donc pour élever d's éfants !

Alors le
gars, rudement :

- J'aimerais
mieux n'être point né que d'être c'que j'suis. Quand j'ai vu l'autre, tantôt,
mon sang n'a fait qu'un tour. Je m'suis dit : "V'là c'que j'serais maintenant !".

Il se leva.
- Tenez,
j'sens bien que je ferai mieux de n'pas rester ici, parce que j'vous le
reprocherais du matin au soir, et que j'vous ferais une vie d'misère. Ca,
voyez-vous, j'vous l'pardonnerai jamais !

Les deux
vieux se taisaient, atterrés, larmoyants.



Il reprit :
- Non, c't'
idée-là, ce serait trop dur. J'aime mieux m'en aller chercher ma vie aut'part !

Il ouvrit la
porte. Un bruit de voix entra. Les Vallin festoyaient avec l'enfant revenu.

Alors
Charlot tapa du pied et, se tournant vers ses parents, cria :

- Manants, va !
Et il
disparut dans la nuit.

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Remarque : dans le texte , il y a des mots qui sont prononcés par les personnages en langage familier,puisque l'action se passe en Normandie


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مُساهمةموضوع: رد: Aux champs par Guy de MAUPASSANT     Aux champs par Guy de MAUPASSANT I_icon_minitimeالثلاثاء 17 مايو 2011, 20:01

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مُساهمةموضوع: رد: Aux champs par Guy de MAUPASSANT     Aux champs par Guy de MAUPASSANT I_icon_minitimeالخميس 19 مايو 2011, 00:50

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