Les
mémoires (uniquement au
masculin plurieldans cette acception) sont des œuvres historiques et parfoislittéraires ayant pour objet le récit de sa propre vie considérée commerévélatrice d’un moment de l’Histoire. Plus précisément, il s’agit d’unrecueil de
souvenirsqu’une personne rédige à propos d’événements historiques ouanecdotiques, publics ou privés, auxquels elle a participé ou dont ellea été le témoin.Des mémoires ont été écrits depuis l’
Antiquité, comme l’illustre l’exemple emblématique des
Commentaires sur la Guerre des Gaules de
Jules César. Puis, le genre s’est établi au
Moyen Âge avec
Geoffroi de Villehardouin,
Jean de Joinville ou
Philippe de Commynes, avant de se développer à la fin de la
Renaissance, essentiellement en France (exemple :
Blaise de Monluc) et jusqu’à l’âge classique, avec
La Rochefoucauld,
Retz,
Saint-Simon. Le genre des Mémoires s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui avec de grands textes au XX
e siècle (
Churchill,
De Gaulle),mais aussi avec des témoignages de toute sorte et des récits de vie decélébrités souvent écrits avec l’aide de collaborateurs (
Philippe Noiret,
Mémoire cavalière).Il en va de même pour les récits de moments hors du commun qui, sansmériter le nom de mémoires parce que la période considérée restelimitée, relèvent de "l’écriture mémorialiste" et ont parfois produitde grands textes littéraires comme ceux d’
Ernst Jünger (
Orages d'acier) et de
Roland Dorgelès (
Les Croix de bois) pour la Première Guerre mondiale, ou de
Primo Levi avec
Si c'est un homme et
Elie Wiesel avec
La Nuit sur leur expérience concentrationnaire.Les Mémoires appartiennent au genre autobiographique qui associe écriture de soi et récit de vie mais ils se distinguent de l’
autobiographiedéfinie par la critique moderne par le fait qu’ils mettent l’accent surle contexte historique de la vie de l’auteur et sur ses actes plus quesur l’histoire de sa personnalité et sa vie intérieure. Les mémoiresrelèvent donc prioritairement de l’
Histoire et de l’
historiographie. La qualité littéraire de certains textes les a fait reconnaître comme appartenant à la
littérature et dans ce sens on peut parler d’un
genre littérairedes Mémoires. Certains mémoires sont d’ailleurs considérés comme deschef-d’œuvres littéraires : c’est le cas des œuvres citées précédemmentou des
Mémoires d'outre-tombe de
Chateaubriand, qui montrent bien la difficulté de la catégorisation entre Mémoires et
autobiographie.Le travail sur le style, le questionnement de la mémoire et le souci deparler de l’humanité entière à travers le récit de sa vie sont lamarque des Mémoires que la littérature place à l’égal des grandesœuvres des romanciers qui ont d’ailleurs souvent été fascinés par les
mémorialistes et qui se sont nourris de leurs lectures comme
Stendhal,
Balzac,
Dumas ou
Marguerite Yourcenar.
Une édition de
La Guerre des Gaules de 1783.
Caractéristiques du genre [modifier] Une œuvre autobiographique [modifier]Les mémoires sont un genre littéraire au croisement de l’
autobiographie, de l’
histoire et du
journal intime[1]. Ils sont constitués de
notes prises sur le vif, de pièces historiques (extraits de journaux, témoignages,
correspondance…), de
récits rétrospectifs en
prose dans lesquels l’
auteur assume son propre
récit et prétend restituer la vérité des événements vécus.La différence majeure entre l’autobiographie et les mémoires résidedans la nature des faits racontés : dans le premier cas, le récit estcentré sur la vie privée de l’auteur ; dans le second, sur son
époque.Dans les mémoires, l’auteur raconte sa propre vie mais en axant sonrécit sur des faits historiques auxquels il a assisté en qualité detémoin ou pris part en tant qu’acteur. Les mémoires permettent donc àcelui qui les compose de mêler vie privée et vie publique mais endonnant plus de relief à la seconde. L’auteur emploie ce biais pourapporter son propre témoignage et éclairage sur une période historiquedéterminée – et bien souvent, profiter de l’occasion pour rappeler sonaction.
Une source historique majeure [modifier]Clio,
Muse de l’
HistoireBien qu’il ne soit pas toujours d’une exactitude irréprochable - lemémorialiste n’est pas un modèle d’impartialité - les mémoires ont unevaleur indéniable dans la connaissance historique. La production desmémoires se développe en dehors de l’
historiographie officielle et contre elle. C’est un témoignage direct de la haute
noblesse, le compte rendu d’une expérience personnelle, dans la politique et dans la guerre
[2]. Le mémorialiste est par nature plus proche que l’
historiendes évènements qu’il décrit. Il verbalise les mille détails d’un fait,les choses vues ou entendues - circonstances évanouies et donc hors deportée de l’historien.Les mémoires ne doivent pas être confondus avec les
chroniques. Le chroniqueur est comme le mémorialiste
contemporaindes évènements qu’il relate, mais n’intervient pas dans les affairespubliques. Le chroniqueur consigne les faits historiques dans l’ordrede leur déroulement tandis que le mémorialiste est beaucoup plus libredans la forme de son œuvre.
Le mémorialiste [modifier]Les premiers mémorialistes de l’
Antiquité étaient issus du monde
politique ou
militaire, milieux lettrés de l’époque. Au
Moyen Âge,les mémorialistes appartiennent à la haute noblesse. La rédaction demémoires est un coup d’œil rétrospectif et la conséquence d’uneretraite, subie ou volontaire. C’est aussi très souvent une œuvre dematurité. Le mémorialiste s’oppose à l’
historiographe de profession, souvent de basse extraction, dont la plume est inféodée à son
commanditaire[2].Au fur et à mesure de la démocratisation de la culture, la base desmémorialistes s’est considérablement élargie et le genre s’estbanalisé. Aujourd’hui on confond mémoires et souvenirs. Nombre d’entreeux fleurissent chaque année sous cette étiquette (ce sont en réalitédes autobiographies) écrites (ou dictées) par des personnalités dumonde de la
chanson, du
cinéma, de la
télévision.
Premiers mémoires [modifier]XénophonLes premiers mémoires datent de la
Grèce antique. Dans l’
Anabase,
Xénophon (
426 ou
430 av. J.-C.-v.
355 av. J.-C.) raconte l’expédition de
Cyrus le Jeune et de la retraite des
Dix Mille, campagne à laquelle il prit part
[3]. On sait que le roi
Pyrrhus Ier (v.
318 –
272 av. J.-C.)rédigea plusieurs mémoires sur l’art de la guerre qui ont été perdus.Les mémoires étaient très répandus chez les Romains qui les appelaientcommentaires. Les plus illustres citoyens consignaient les souvenirs deleur vie publique ou militaire.
Sylla,
Lucullus,
César ont rédigé des
Commentaires. Les 22 livres de commentaires de Sylla, terminés à la veille de sa mort, ainsi que ceux de Lucullus sont perdus
[4].
Jules CésarLes
Commentaires sur la Guerre des Gaules de
Jules César sont un modèle du genre
[5]. Littéralement
aide-mémoires, ils sont rédigés dès la fin de la campagne en 52 av. J.-C. en réponse aux attaques et aux intrigues de ses adversaires
[6]. C’est une œuvre de
propagande, bien que le
dictateur n’ait pas trahi la vérité. Le style clair et concis a été loué par les grands orateurs romains
Cicéron et
Quintilien. Les
Commentaires sur la Guerre civile, également de la main du futur
Imperator, rapportent les évènements des années
49 –
48 av. J.-C. lors de la guerre civile qui opposa
Jules César et ses partisans à
Pompée[7].
Valère Maxime (
Ier siècle av. J.-C.), contemporain de
Tibère, est l’auteur
Des faits et des paroles mémorables[8]. Ce recueil d’anecdotes en neuf livres pille les œuvres d’historiens de l’époque.
Libanios (
314–
394) est un auteur grec tardif et un grand rhétoricien. Son 1
er discours[9], écrit en
374, repris, révisé, augmenté tout au long de sa vie, mêle la peinture d’époque au récit
autobiographique.
Procope (v.
500-
560) est l’auteur de récits détaillés du règne de l’empereur
Justinien (
483-
565), notamment de
Discours sur les Guerres[10] et de l’
Histoire secrète[11]. Ces mémoires à la paternité incertaine et à l’authenticité douteuse sont une charge violente contre l’Empereur et sa femme
Théodora[12].
Mémorialistes du Moyen Âge [modifier]Philippe de CommynesLes premiers mémoires en
langue française sont des récits de la
4e croisade (
1202-
1204). On les doit à
Robert de Clari et
Geoffroi de Villehardouin. Robert de Clari est un petit propriétaire péronnais. Il prit part à la croisade avec son seigneur Pierre d’Amiens. Sa
Conquête de Constantinople, écrite en dialecte picard, relate les choses vues ou entendues au cours de l’expédition
[13].
Geoffroi de Villehardouin, maréchal de Champagne au moment où il prend la croix, est également l’auteur d’une
Histoire de la conquête de Constantinople.Contrairement à Clari, Villehardouin est de la noblesse et occupe unrôle de premier plan dans les évènements qu’il décrit, ce qui donne àson ouvrage une grande valeur historique
[14].
Jean de Joinville (
1224-
1317) est l’auteur d’une
Vie de Saint Louis[15],
hagiographie entreprise à la demande de
Jeanne Ire de Navarre. Cet ouvrage est achevé en
1309. Joinville, qui fut l’ami de
Saint Louis, honore la mémoire du roi en puisant dans ses souvenirs. De nombreux épisodes sont des récits personnels de la
7e croisade à laquelle a pris part Joinville
[16].
Olivier de la Marche (
1425-
1501 ou
1502) est un officier bourguignon. Ses mémoires
[17] couvrent les évènements majeurs de l’histoire de France du
XVe siècle : entrevue de Montereau entre le futur
Charles VII et
Jean Sans Peur, la succession de
Philippe le Bon, le
traité d’Arras, la fin de la
Guerre de Cent ans. Il est aussi témoin du ballotage des
Flandres entre le royaume de
France et la dynastie des
Habsbourgs.
Philippe de Commynes (
1445-
1511) en prologue de ses mémoires
[18] publiés en
1524 et
1528, justifie ses intentions de mémorialiste : « Écrire ce que j’ai su et connu des faits du roi
Louis Onzième ». L’indépendance de jugement, l’impartialité de l’observation ont fait la fortune de cet ouvrage
[19].Commynes est moins un mémorialiste faisant œuvre de témoignage qu’unhistorien et un juge des hommes et des faits de son temps. Sa démarchen’est pas très éloignée de celle d’un
moraliste[20].
Mémorialistes de la Renaissance [modifier]Marguerite de ValoisFleuranges (
1491–
1537), dit le « Jeune Adventureux », est de toutes les campagnes sous
François Ier. Il se distingue à
Marignan puis partage la captivité du roi, qu’il met à profit pour écrire ses
Mémoires, édités seulement en 1735. La naissance du protestantisme est une révolution spirituelle, et le prélude aux
guerres de religion. Les mémoires de
Martin Luther (
1483-
1546), le père de la
Réforme, sont apparus en
1835 grâce au travail de
Michelet[21].
Blaise de Monluc (
1500-
1577) est seigneur de Montluc, homme de lettres et gouverneur de
Guyenne. Ayant participé aux
guerres d'Italie et aux guerres de religion, il écrit à la fin de sa vie ses
Commentaires, qualifiés par
Henri IV de « Bible du soldat ».
Pierre de L'Estoile (
1546-
1611), magistrat au
Parlement de Paris, commence le
30 mai 1574, jour de la mort de
Charles IX, la rédaction de ses
Registres journaux. Pendant 30 ans, sa plume infatigable consigne les événements des règnes d’
Henri III et d’
Henri IV, jusqu’à sa mort.
Brantôme,
Agrippa d'Aubigné se collent eux aussi à la fin de leur vie au jeu des mémoires.
Marguerite de Valois (la Reine Margot), témoin de la
Saint-Barthélemy et de la révolution des provinces contre le roi d’Espagne, laisse des mémoires éclairants sur la cour des Valois.
Guillaume de Saulx-Tavannes, lieutenant du roi
Henri III en Bourgogne, se distingua pendant la
Ligue. Ses
Mémoires historiques couvrent les années
1560 à
1596 et sont imprimés à Paris en
1625. Les
Mémoires de
Sully, ministre d’
Henri IV, sont des leçons d’économie
[22]. Ils sont rédigés à la deuxième personne. Ces mémoires contiennent
Le Grand Dessein, un plan complet de réorganisation des États européens dirigés par un
Conseil général[23].
François de Bassompierre (
1579-
1646),
maréchal de France sous les règnes d’
Henri IV et de
Louis XIII, se distingue par ses faits d’armes et son goût pour la chasse. Ses
Mémoires pleins d’anecdotes et d’esprit ont plus tard révélé sa vocation de mémorialiste à
Saint-Simon.
Barbey d’Aurevilly les lisait avec délices. Le maréchal
Louis de Pontis (
1583-
1670) a servi dans les armées 56 ans, sous les règnes de Henri IV, Louis XIII et Louis XIV. Il se retire à
Port-Royal-des-Champs pour écrire ses mémoires. On y trouve un tableau très noir du ministère Richelieu.En Italie,
Benvenuto Cellini (
1500-
1571) sculpteur florentin de la Renaissance, est l’auteur de mémoires sur sa vie intitulés
Vie de Benvenuto Cellini par lui-même. Ces mémoires servent à « compléter »
Le Vite de
Vasari, où Cellini n’est pas mentionné parmi les meilleurs peintres, sculpteurs et architectes italiens.
Mémorialistes de l’Ancien Régime [modifier] Mémorialistes du Grand Siècle [modifier]François de La RochefoucauldLe
Grand Siècle est une époque faste pour les mémorialistes. Autour de
1675, beaucoup d’acteurs de la
Fronde, vieillis et mis à l’écart par
Louis XIV, rédigent leurs souvenirs
[24]. La publication de mémoires devient une mode littéraire : on recense pas moins de 260 titres
[25]. Ce fleurissement s’explique par l’histoire de France : la
Fronde, la régence d’
Anne d’Autriche, la politique de
Mazarin puis la montée en puissance du jeune
Louis XIVsont des évènements riches en intrigues, complots, histoires secrètes,qui font le sel des mémoires de cette époque. Dès leur parution« pirate » en
1662, les
Mémoires de
La Rochefoucauld (
1613-
1680) sont unanimement applaudis. Ces mémoires, dont la composition précède les fameuses
Maximes, commencent comme une autobiographie sous le règne de
Louis XIII et s’achèvent à la fin de la
Fronde en
1653. Ils décrivent une histoire digne d’un
roman d'aventures et un pays au bord de la guerre civile. L’auteur narre ses exploits romanesques au service de la reine
Anne d’Autriche, sa rivalité avec
Richelieu puis
Mazarin. La
Fronde y est analysée avec une lucidité de moraliste.
Editions de 1731 (Chez Bernard à Amsterdam) des Mémoires du Cardinal de Retz.
Les
Mémoires de l’ambitieux
cardinal de Retz (
1613-
1679), entrepris peut-être à la demande de
Madame de Sévigné[26], paraissent après sa mort en
1717. Ces
Mémoires, dont le projet initial était une simple
autobiographie[27],font alterner portraits, études psychologiques, récit d’évènements,analyses politiques. Plutôt que d’expliquer les ressorts de l’histoire,la volonté de Retz a été de tâcher de comprendre pourquoi il a échouési complètement
[28]. Les contrevérités sont nombreuses
[29] mais l’ouvrage continue de jouir d’une grande réputation pour ses qualités littéraires et la plume assassine de l’auteur.
Françoise de Motteville (
1615-
1689), première femme de chambre d’
Anne d’Autriche, est l’auteur de mémoires
[30]très factuels. Françoise de Motteville, qui fut le témoin quotidien dela vie de la reine, a tenu journal de ce qu’elle voyait et entendait.C’est ce journal qui a été publié sous le titre de
Mémoires.Ceux-ci ont une valeur historique importante : du fait de la positionprivilégiée de l’auteur, les faits, rapportés avec franchise et bonnefoi, sont nombreux, authentiques et de première main. Ce soucityrannique de tout dire, de tout éclairer, fait le mérite et le défautde son ouvrage : l’auteur ne recule pas devant le détail bavard, ce quien rend la lecture fastidieuse et aride.
Roger de Bussy-Rabutin (
1618-
1693), le cousin turbulent de
Marie de Sévigné, auteur d’un scandale avec son
Histoire amoureuse des Gaules, qui lui valent en
1665 la disgrâce royale et l’embastillement, est libéré un an plus tard puis exilé pendant 16 ans dans ses terres de
Bourgogne. Pour se consoler d’avoir interrompu sa carrière militaire et son ascension à la Cour, Bussy-Rabutin y rédige ses
Mémoires, qui reflètent bien son caractère aventureux et son goût pour la galanterie.
Tallemant des Réaux (
1619-
1692) est l’auteur des
Historiettes, recueil de courtes
biographies d’hommes et femmes illustres de son temps (
écrivains, hommes d’État,
courtisanes), précieux pour l’
histoire littéraire du XVIIe siècle. D’abord publiés clandestinement, ils seront révélés en intégralité en
1834.
Nicolas Fontaine (
1625-
1709) est l’auteur de précieux
Mémoires pour servir à l’histoire de Port-Royal publiés en
1725.
Le mémorialiste
Saint-SimonLa liste des mémorialistes de cette époque est sans fin : citons
Marie de Nemours,
Gourville,
Boulainvilliers,
Hortense et
Marie Mancini, la
Grande Mademoiselle,
Montrésor,
La Fare,
la princesse Palatine,
Saint-Réal,
Le Nain de Tillemont,
Madame de Lafayette, la
marquise de Caylus, les
Mémoires de l’abbé de Choisy habillé en femme.La mode est également aux
pseudo-mémoires, dont
Gatien de Courtilz de Sandras s’est fait une spécialité. Les
Mémoires de D’Artagnan est son ouvrage le plus connu.
Antoine Hamilton est l’auteur des
Mémoires de la vie du comte de Grammont qui retrace le parcours de son beau-frère
Philibert de Gramont, aristocrate français, à la Cour d’Angleterre sous le règne de
Charles II. Les mémoires donnent également naissance à un autre genre littéraire : le
roman-mémoires, dont
Marie-Catherine de Villedieu est l’inventrice avec ses
Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière (
1671).
Torcy (
1665-
1746),
secrétaire d'État aux
Affaires étrangères sous
Louis XIV, est l’auteur de
Mémoires qui sont des leçons de politique
[22].
Saint-Simon les fait recopier pour son usage, et
Voltaire s’en servira pour son
Siècle de Louis XIV. Le
marquis de Dangeau (
1638-
1720) est l’auteur d’un vaste
Journal où il décrit pendant 30 ans la vie à la cour de
Versailles à la fin du règne de
Louis XIV. Ces mémoires médiocres sont plus connus pour avoir servi de point de départ à ceux du grand mémorialiste
Saint-Simon (
Additions au Journal de Dangeau)
[31].
Saint-Simon (
1675-
1755) a fréquenté la Cour du
roi Soleilsans jouer de rôle politique majeur, à son grand regret et malgréplusieurs tentatives ratées pour occuper des postes. Réduit àl’observation, Saint-Simon enregistre tout et restitue en un grand« miroir historial » les dernières décennies du temps de Louis XIV, la
Régence et l’histoire de sa vie. La première édition complète paraît en
1829-
1830. Ces
Mémoiressont l’œuvre monumentale d’un génie, moraliste virulent et peintreincomparable. L’occasion est belle de prendre sa revanche, et l’auteurrépand sa hargne dans un style passionné jusqu’à la violence (nombreuxportraits-charges). Leur influence s’étend sur des personnalités aussidiverses que
Chateaubriand,
Proust,
Stendhal, les
Goncourt,
Barbey d’Aurevilly,
Jules Renard,
Colette,
Marguerite Yourcenar.
Mémorialistes de la fin de l’Ancien Régime [modifier]Félicité de GenlisUn grand nombre de mémoires sont issus du
XVIIIe siècle.Si beaucoup sont des témoignages intéressants et présentent un intérêthistorique, aucun ne peut prétendre au rang de chef-d’œuvre littéraire.C’est l’époque des salons et nombre de ces ouvrages sont des reflets dela vie littéraire.Le
Journal et mémoires du
marquis d’Argenson reflète l’histoire politique du règne de
Louis XV. Le mémorialiste se fait volontiers moraliste. Le
comte de Saint-Priest occupe des postes sous
Louis XV et
Louis XVI. Ses
Mémoires variés font alterner campagnes militaires et vie de cour. Les
Mémoires sur Louis XV et Madame de Pompadour de Madame du Hausset décrivent les corruptions à la tête du royaume. Les mémoires de
Duclos[32] ou d’
Alexandre de Tilly[33] peignent les mœurs de la fin du XVIII
e siècle.
Besenval, membre du cercle privé de la
Reine, est un témoin intéressant de la vie de la Cour sous
Louis XVI, et de l’agonie de l’
Ancien Régime. Il laisse des mémoires scandaleux
[34], tout comme le
cardinal de Bernis[35]. La
baronne d’Oberkirch écrit des
Mémoires sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789.
Lauzun laisse des
Mémoires sur la cour riches en histoires galantes.Les grands écrivains de l’époque ont laissé des mémoires souvent anecdotiques. Les
Mémoires de jeunesse de
Marguerite de Staal-Delaunay concernent les années de
Régence.
Voltaire, suite à sa brouille avec
Frédéric II de Prusse, rédige des mémoires pleins de ressentiment et d’admiration
[36].
Marmontel est l’auteur de
Mémoires d’un père pour l’éducation de ses enfants publiés après sa mort. Les
Contre-confessions. Histoire de Madame de Montbrillant de
Louise d'Épinay[37] sont un roman à clefs autobiographique, rédigé à l’aide de
Grimm et de
Diderot, en réponse aux
Confessions de
Rousseau. Les
Mémoires de
Beaumarchais sont loués par Voltaire
[38].
Félicité de Genlis (
1746-
1830) brosse avec nostalgie les mœurs et les rêves de la société aristocratique d’Ancien Régime à la veille de la Révolution
[39].Dans son salon de la rue de Bellechasse à Paris, elle reçoit lesécrivains de son temps et des opposants à la monarchie absolue : oncroise dans ses mémoires
Marie Du Deffand,
Voltaire,
Rousseau,
Mme Du Barry,
Talleyrand.Son ouvrage entremêle anecdotes et analyses, et témoigne de la« douceur de vivre » : art raffiné de la fête et du divertissement, artde la conversation, rituels mondains, vie littéraire animée.
Madame Campan (
1752-
1822), femme de chambre de
Marie-Antoinette qu’elle sert jusqu’en
1792, est l’auteur de mémoires qui sont un témoignage unique sur l’
Ancien Régime, la
Révolution, la vie quotidienne et la personnalité de la Reine
[40]. Les mémoires d’
Henriette-Lucie Dillon, marquise de La Tour du Pin Gouvernet, épouse du
comte de Gouvernet (marquis de La Tour du Pin en 1825) informent sur la fin de l’Ancien régime, la Révolution, la vie sous le
Consulat et l’
Empire.Des pages relatent l’aventure de l’exil en Amérique, où Henriette-Luciemène brièvement une vie de campagne et se lie d’amitié avec les Indiens
[41].
Mémorialistes de la Révolution et du Directoire [modifier]Rivarol,
Mémoires contre-révolutionnairesLa révolutionnaire
Madame Roland (
1754-
1793), victime de la purge de
93, a composé ses mémoires dans l’urgence
[42]. Les
Mémoires de Madame la duchesse de Tourzel, gouvernante des enfants de France de 1789 à 1795 relatent la
fuite de Varenne et la détention à la
Tour du Temple.
Rivarol (
1753-
1801), esprit fin et mordant, a le goût de la polémique. Il prend la défense de la monarchie dans ses
Mémoires contre-révolutionnaires, recueil de ses articles du
Journal politique et national.La
marquise de La Rochejaquelein (
1772-
1857) est l’auteur des mémoires les plus célèbres consacrés à la
guerre de Vendée[43]. Ils inspireront
Balzac pour ses
Chouans et
Barbey d'Aurevilly pour son
Chevalier Des Touches.Les
Mémoires de
Paul Barras (
1755-
1829) couvrent la Révolution et la période du
Directoire.
Louis-Mathieu Molé (
1781-
1855) a écrit ses
Souvenirs de jeunesse, 1793-1803.
Mémoires d’artistes, d’agents du roi et d’aventuriers [modifier]Le
prince de LigneParmi les mémoires notables de ce temps, il faut citer l’œuvre de trois aventuriers :
Giuseppe Gorani[44],
Casanova (
Histoire de ma vie) et le
prince de Ligne.
Élisabeth Vigée Le Brun (
1755-
1842), la célèbre artiste, peintre officiel ayant fui la Révolution, est aussi l’auteur des
Mémoires d’une portraitiste.
Lorenzo da Ponte,
librettiste de l’
Opéra de Vienne, ayant collaboré avec
Mozart, a écrit les siens.Certains agents du roi, comme
Claude de Forbin et Scipion de Castries (tous deux de la Marine royale), le marquis de La Maisonfort (
Mémoires d’un agent royaliste), Canler (chef du service de sûreté) ont laissé des mémoires qui éclairent sur leurs fonctions.