Prologue de l'Antigone d'Anouilh.
Voila, Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l’heure, qu'elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon ,son oncle, qui est le roi. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aime vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...Et, depuis que ce rideau s'est levé, elle sent qu'elle s'éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n'avons pas à mourir ce soir.
Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l'heureuse Ismène, c'est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d'Antigone. Tout le portait vers Ismène:son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus jolie qu'Antigone, et puis un soir, un soir de bal où il n'avait dansé qu'avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe ,il a été trouver Antigone, qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et lui a demandé d'être sa femme. Personne n'a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit 'oui' avec un petit sourire triste...L'orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d'Antigone. Il ne savait pas qu'il ne devrait jamais exister de mari d'Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir.
Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c'est Créon. C'est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d'Oedipe, quand il n'était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Oedipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches et il a pris leur place.
Quelquefois, le soir, il est fatigué, et il se demande s'il n'est pas vain de conduire les hommes. Si cela n'est pas un office sordide qu'on doit laisser à d'autres, plus frustes...Et puis, au matin, des problèmes précis se posent, qu'il faut résoudre, et il se lève, tranquille, comme un ouvrier au seuil de sa journée.
La vieille dame qui tricote, à côté de la nourrice qui a élevé les deux petites, c'est Eurydice, la femme de Créon. Elle tricotera pendant toute la tragédie jusqu'a ce que son tour vienne de se lever et de mourir. Elle est bonne, digne, aimante. Elle ne lui est d'aucun secours. Créon est seul.
Seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non plus pour lui.
Ce garçon pâle, là-bas, qui rêve adossé au mur, c'est le Messager. C'est lui qui viendra annoncer la mort d'Hémon tout à l'heure. C'est pour cela qu'il n'a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres...Il sait déjà...
Enfin , les trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes, leur chapeau sur la nuque, ce sont les gardes. Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l'heure. Ils sentent l'ail,le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et satisfaits d'eux-mêmes, de la justice. Pour le moment,
jusqu'à ce qu'un nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l'arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de la justice de Créon.
Et maintenant que vous les connaissez tous, ils vont pouvoir vous jouer leur histoire. Elle commence au moment où les deux fils d'Oedipe, Etéocle et Polynice, qui devaient régner sur Thèbes un an chacun à tour de rôle, se sont battus et entre-tués sous les murs de la ville, Etéocle, l'ainé, au terme de la première année de pouvoir ayant refusé de céder la place à son frère. Sept grands princes étrangers que Polynice avait gagné à sa cause ont été défaits devant les sept portes de Thèbes. Maintenant la ville est sauvée, les deux frères ennemis sont morts, et Créon, le roi a ordonné qu'à Etéocle, le bon frère, il serait fait d'imposantes funérailles, mais que Polynice, le vaurien, le révolté, le voyou, serait laissé sans pleurs et sans sépulture, la proie des corbeaux et des chacals. Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablementpuni de mort.
Lire le prologue de Jean Anouilh.
Grâce à quoi connaît-on le décor ? Caractérisez-le. Justifiez son choix ? Qui parle ? Est-il un personnage ? Quel est son rôle ? A qui s’adresse-t-il ? Quel vocabulaire montre qu’il est extérieur à l’action ? Quel est l’effet produit ? Quel est son niveau de langue ? Relevez et classez les termes qui permettent de présenter les personnages. Quelle est l’impression produite ? Y a-t-il un ton dominant ? Expliquez et donnez des exemples. Relevez les anachronismes. Quel est leur rôle ? (1)
Pistes de lecture
Au début, le Prologue s'avance vers le public et lui présente tous les personnages. Ils sont tous en scène, isolés ou en groupe. Ils bavardent, se livrent aux occupations auxquelles il est fait allusion. Le Prologue nous les montre, et nous indique brièvement leur caractère et leur rôle. Il passe ainsi successivement en revue Antigone, la petite maigre qui pense qu'elle va mourir ;sa sœur, la belle,
l'heureuse Ismène, qui parle avec Hémon, le fiancé d'Antigone ; le roi Créon, le père d'Hémon, qui, près de son page, médite sur la tâche difficile de conduire les hommes ; sa femme Eurydice, qui ne lui est d'aucun secours et ne fera que tricoter pendant toute la tragédie ; la nourrice d'Antigone ; le messager qui interviendra au dénouement ; enfin les trois gardes, auxiliaires du pouvoir, qui jouent aux cartes dans leur coin. En tout, onze personnages. Ils partent avec le Prologue, une fois que celui-ci a résumé la situation.
Activités familières : bavarde, jeu . Inattendu dans la tragédie. / Présence de la première et deuxième du pluriel. / On s’adresse au spectateur a travers le vous plus d’illusion théâtrale.
Nous = je + spectateur / lien scène et salle
Termes jouer / évocation du lever du rideau / didascalies, ont pour objet de présenter les personnages comme des figures imaginaires.
Présentation d'Antigone et d’Ismène. Portrait d’Antigone. Insistance sur sa jeunesse et son dépouillement Psychologie : être marginal, obstiné qui se révolte. Ismène se définit par rapport à sa sœur. On insiste sur sa beauté , blondeur. Idée de bonheur / superficiel.
Fatalité du destin tragique de l'intrigue.
Nombreuses choses inconnues du monde grec (anachronismes) : cartes, tricotent / Bal, robe à plutôt soirée moderne / Registre de langue courant et familier : la petite maigre, il n'y a rien à faire, voila, il a été trouvé Antigone