10 ans de terrorisme au Maroc
Alors que New York commémore, dimanche, le dixième anniversaire des tragiques attaques du 11 septembre, Le Soir échos revient sur la décennie de terrorisme par excellence… du côté marocain.
Fait nouveau, l’attentat d’Argana à Marrakech, le 28 avril dernier, ne porte pas la signature salafiste.
Comme partout ailleurs dans le monde, le Maroc aussi a souffert des répercussions causées par les attentats du 11 septembre 2001. En l’espace d’une seule décennie, pas moins de onze attentats ont frappé le royaume. Outre les cinq attentats simultanés survenus le 16 mai 2003 à Casablanca, cinq autres attentats-suicides ont touché le Maroc en 2007, dont un dans le fameux cyber-café du quartier populaire de Sidi Moumen, trois autres attaques à Hay El Farah, sans oublier le kamikaze qui s’est fait exploser devant le Centre américain à Casablanca, le 14 avril 2007. Plus récemment, l’attentat qui a frappé le cœur de Marrakech, notamment sa fameuse place Jamaa El Fna, tuant 17 personnes le 28 avril dernier.
S’il est vrai que comparé à ses voisins – tels que l’Algérie où des attentats terroristes ont lieu pratiquement toutes les semaines -, le Maroc reste un pays dans lequel la menace terroriste est moins présente. Il n’en demeure pas moins que le royaume est devenu clairement, depuis le 11 septembre 2001, une cible de choix pour les groupes terroristes, dont la menace est désormais une priorité pour les sécuritaires marocains. La date du 11 septembre marque aussi, pour les Marocains, un tournant dans la vision qu’ils ont du terrorisme islamiste. Car, s’il est vrai que le Marocain réprouve le terrorisme, il a su parfaitement faire la distinction entre terrorisme et islam. Et son adhésion à la lutte contre le terrorisme s’est faite tout naturellement ; une adhésion dont le meilleur exemple n’est autre que le gérant du cyber-café de Sidi Moumen. Élevé au rang de héros national, le jeune homme avait, à ses risques et périls, décidé de virer le terroriste de son café, lorsqu’il a su que ce dernier correspondait avec des réseaux du terrorisme international. Mohammed VI ne s’y est d’ailleurs pas trompé, lorsqu’à l’occasion de la célébration de la fête du Trône de 2007, il décida de décorer le dénommé Mohammed Fayez.
Des conséquences néfastes sur la démocratie
Les actes terroristes du 11 septembre ont eu d’énormes conséquences sur la géopolitique internationale, mais pas seulement. La majorité des pays ont modifié leur approche par rapport à leur manière de lutter contre le terrorisme, engendrant un tour de vis sécuritaire sans précédent, aussi bien au sein des régimes autoritaires que dans les démocraties libérales. Les États-Unis, souvent érigés en modèle de démocratie et de respect des droits de l’Homme, en sont le parfait exemple ; notamment quand ils jettent, sans jugement, des présumés terroristes dans la prison extra-judiciaire de Guantanamo Bay… Ne dérogeant pas à la règle, le Maroc a de même souffert du retour de l’approche sécuritaire engendrée par le drame du 11 septembre.
Une majorité d’observateurs de la scène politique marocaine s’accorde sur le fait que la date du 11 septembre 2001, a marqué l’arrêt du processus d’ouverture politique et de respect des droits de l’Homme, que Mohammed VI a voulu impulser. Sonnés par le jaillissement de la menace terroriste, les sécuritaires marocains ont pris le dessus sur les réformateurs, marquant le retour de la répression politique envers les islamistes, qu’ils soient terroristes ou pacifistes. Au lendemain des tristes attentats du 16 mai 2003, plus de 2000 personnes ont été mises sous les verrous, moins d’une semaine après l’attaque, souvent suite à des jugements expéditifs ; tandis que lors de l’attaque terroriste dont Madrid a été victime en 2004, la police espagnole n’a procédé que à l’arrestation de huit personnes.
Le PJD pointé du doigt
Au Maroc, les sécuritaires ont profité de la menace terroriste pour réprimer les partis islamistes, même ceux ayant intégré le jeu politique. On se souvient que le PJD était pointé du doigt au lendemain des attentats du 16 mai, subissant moultes pressions qui, en réalité, n’ont jamais cessé. Tandis que des hommes politiques, dont ceux du parti Al Badil Al Hadari, ont été mis derrière les barreaux. Mais après l’avènement du printemps arabe, la sagesse politique a prévalu au Maroc : une nouvelle Constitution plus démocratique a été approuvée. Espérons juste que les vieux réflexes disparaîtront une bonne fois pour toutes, et pour de vrai cette fois-ci.◆