[b]Texte:
Ma mère se leva pour se préparer. Elle changea de chemise et de mansouria, chercha au fond du coffre une vieille ceinture brodée d'un vert passé, trouva un morceau de cotonnade blanche qui lui servait de voile, se drapa dignement dans son haïk fraîchement lavé.
C'était, en vérité, un grand jour. J'eus droit à ma djellaba blanche et je dus quitter celle de tous les jours, une djellaba grise, d'un gris indéfinissable, constellée de taches d'encre et de ronds de graisse.
Lalla Aïcha éprouva toutes sortes de difficultés à s'arracher du matelas où elle gisait.
J'ai gardé un vif souvenir de cette femme, plus large que haute, avec une tête qui reposait directement sur le tronc, des bras courtes qui s'agitaient constamment. Son visage lisse et rond m'inspirait un certain dégoût. Je n'aimais pas qu'elle m'embrassât. Quand elle venait chez nous, ma mère m'obligeait à lui baiser la main parce qu'elle était chérifa, fille du Prophète, parce qu'elle avait connu la fortune et qu'elle était restée digne malgré les revers du sort. Une relation comme Lalla/Aïcha flattait l'orgueil de ma mère.
Enfin, tout le monde s'engagea dans l'escalier. Nous nous trouvâmes bientôt dans lame.
Les deux femmes marchaient à tout petits pas, se penchant parfois l'une sur l'autre pour se communiquer leurs impressions dans un chuchotement. A la maison, elles faisaient trembler les murs en racontant les moindres futilités, tellement leurs cordes vocales étaient à toute épreuve; elles devenaient, dans la me, aphones et gentiment minaudières.
Parfois je les devançais, mais elles me rattrapaient tous les trois pas pour me prodiguer des conseils de prudence et des recommandations. Je ne devais pas me frotter aux murs: les murs étaient si sales et j'avais ma superbe djellaba blanche,je devais me moucher souvent avec le beau mouchoir brodé pendu à mon cou, je devais de même m'écarter des ânes, ne jamais être derrière eux car ils pouvaient ruer et jamais devant car ils prenaient un malin plaisir à mordre les petits enfants.
- Donne-moi la main, me disait ma mère.
Et cinq pas après:
- Va devant, tu as la main toute moi
Je reprenais ma liberté mais pour un temps très court. Lalla Aïcha se proposait de me guider dans la cohue. Elle marchait lentement et tenait beaucoup de volume. Un embouteillage ne tardait pas à se former. Les passants nous lançaient toutes sortes de remarques déplaisantes mais finissaient par se porter à notre secours. Des bras inconnus me soulevaient du sol, me faisaient passer par-dessus les têtes et je me trouvais finalement dans un espace libre. J'attendais un bon moment avant de voir surgir de la fou)e les deux haïks immaculés. La scène se renouvela plusieurs fois durant ce voyage. Nous traversâmes des rues sans nom ni visage particuliers. J'étais attentif aux conseils de mes deux guides, je m'appliquais à me garer des ânes, butais inévitablement dans les genoux des passants. Chaque fois que j'évitais un obstacle, il s'en présentait un autre. Nous arrivâmes enfin au cimetière qui s'étend aux abords de Sidi Ali Boughaleb. J'esquissai un timide pas d'allégresse.
La boite à merveilles. A. Sefrioui.
I. Onestions de Compréhension
1) Présentez brièvement l'auteur et son roman
2) Situez le passage dans l'œuvre.
3) « C'était, en vérité un grand jour».
Pourquoi le narrateur parle-t-il d'un grand jour ?
4) Le narrateur et sa mère éprouvent-ils le même sentiment à l'égard de Lalla
Aïcha ? Justifiez votre réponse par des expressions tirées du texte.
5) La mère du narrateur et son amie Lalla Aïcha ne se parlent pas de la même façon
à l'intérieur de la maison et dans la rue. Illustrez mieux cette constatation en
complétant le tableau suivant:
*---------------------------*-------------*
*A l'intérieur de la maison.*Dans la rue..*
*---------------------------*-------------*
*...............................................*.......................*
*...............................................*.......................*
*---------------------------*-------------*
6)La description de Lalla Aïcha faite par le narrateur est-elle valorisante ou
dévalorisante ? justifiez votre réponse par des expressions tirées du texte.
7) Pourquoi certains termes sont-ils écrits en gras?
8) Identifiez la figure de style dans la phrase suivante:
«J'attendais un bon moment avant de voir surgir de la foule les deux haïks immaculés ».
9) Relevez les termes relatifs au champ lexical de la foule.
11- Production écrite:
Sujet: Il y a sûrement une personne qui a produit sur vous un effet. Faites d'elle une description physique et morale.
Réponses
I. Compréhension
1) C'est Ahmed Sefrioui, un écrivain marocain d'expression française. Il est né à Fès en 1915 de parents berbères. Il est séduit depuis son enfance par l'école française qui l'a beaucoup marqué. Il a occupé plusieurs fonctions dans l'administration publique. Son premier roman fut « Le chapelet d'ambre ». il est mort en 2004. « La boîte à merveilles» est son roman autobiographique dans lequel il retrace
le parcours d'une vie simple d'un enfant né dans la médina de Fès. .
2) Ce passage est situé juste après le retour du petit enfant « Sidi Mohammed» du Msid. C'était un mardi. A la maison, il a trouvé sa maman malade, elle soufrait d'une migraine. Son amie Lalla Aïcha est venue lui rendre visite.
3) Le narrateur parle d'un «grand jour », car, d'abord il n'irait pas à l'école coranique où il devait réciter quelques versets de coran, et ensuite, il devait
mettre sa djellaba blanche et partir visiter le sanctuaire de Sidi Ali Boughaleb.
4) Le narrateur et sa mère m'éprouvent pas le même sentiment à l'égard de Lalla Aïcha.
Au narrateur, elle inspire un certain dégoût« son visage lisse et rond m'inspirait un certain dégoût. Je n'aimais pas qu'elle m'embrassât ».
Quant à sa mère, elle aime bien Lalla Aïcha : « une relation comme Lalla Aïcha flattait l'orgueil de ma mère ».
5)
A l'intérieur de la maison :
- elles faisaient trembler les murs...leurs cordes vocales étaient à toute épreuve.
Dans la rue :
- Les deux femmes marchaient à tout
petits pas, se penchant l'une sur l'autre
pour se communiquer leurs Impressions
dans un chuchotement.
- elles devenaient aphones et gentiment
minaudières.
6)La description de Lalla Aïcha faite par le narrateur est dévalorisante :
« cette femme plus large que haute, avec une tête reposait directement sur le tronc, des bras courts qui s'agitaient constamment. Son visage m'inspirait un certain dégoût ».
7) Certains termes sont écrits en italique comme djellaba, haïk, mansouria, car ils
sont d'origine arabe.
8) «l'attendais un bon moment avant de voir surgir de la foule les deux haïks
immaculés ».
il s'agit d'une synecdoque
9) Le champ lexical de la foule: la cohue, un embouteillage, les passants, la foule,
II- Production écrite
Il arrive souvent à l'homme d'être impressionné par une personne qu'il a côtoyée à
un moment de sa vie. Cette impression peut être produite soit par son physique ou par sa personnalité.
C' est justement ce qui m'est arrivé lorsque j'étais au lycée avec une de mes camarades de classe. Elle s'appelait Samira.
Personne ne pouvait nier sa beauté angélique. Elle n'avait rien à envier aux reines de la beauté. Elle était d'une taille moyenne, ses cheveux dorés encadraient son petit visage rond. Son minuscule front, à peine visible, était recouvert d'une frange tombant sur des sourcils relativement épais, et d'une courbe presque parfaite.
Des yeux noisettes, dont le regard perçant, exprime une intelligence rare ce qui lui donnait beaucoup d'attrait c'était son élégance. Elle avait un goût raffiné dans le choix des vêtements qui lui allaient à merveille. Elle avait un choix soigné dans le mariage des couleurs. On dirait une princesse.
Tous les élèves sans exception, cherchaient son amitié. Personnellement, ce qui m'attachait à elle, ce n'était pas seulement son physique qui pouvait inspirer les artistes, mais aussi son moral. Cependant, je n'ai jamais osé lui dévoiler mes véritables sentiments envers elle, car personne ne pouvait se permettre de l'aborder sur cette question. Alors, je me contentais de l'admirer en silence. Elle était d'une gentillesse inouie. Par son comportement, elle exigeait le respect de tout le monde; aussi bien les élèves que les professeurs.
Son altruisme était remarquable puisqu'elle était toujours prête à rendre service à ses camarades pour lesquels elle avait un amour innocent. Sa voix joyeuse, à peine perceptible, déridait et réjouissait les plus taciturnes.
Lorsqu'on dirait, par mégarde, des choses qui pourraient porter atteinte à la pudeur, elle rougissait. Elle avait des sentiments nobles et fragiles. C'était un ange ayant une forme humaine.
A force de m'approcher d'elle, elle avait réussi à exercer sur moi un effet indescriptible. Son comportement avait influencé le mien. Je suis redevenu plus sage, plus indulgent, plus courtois. J'avais acquis des qualités inconnues de moi, et en même temps, j'ai abandonné mon affreux égoïsme et mon audace excessive. D'ailleurs, mes parents l'avaient bien remarqué.
En quittant le lycée, je l'ai abandonnée à jamais. Malgré cela, je garde de cette personne des souvenirs inoubliables. Je suis, actuellement, dans l'incapacité d'oublier son image qui ne quitte jamais mon esprit. Je ne garde d'elle que la nostalgie du bon vieux temps