A quoi rêve la jeunesse mondiale ?Comment se porte la jeunesse du monde ? Quelles sont ses valeurs,
ses aspirations, ses peurs, ses identités ? Voit-on les choses de la
même façon selon que l'on habite à Pékin ou Rabat ? Voilà quelques-unes
des questions auxquelles ont tenté de répondre
les chercheurs de la Fondation pour l'innovation politique, un groupe
de réflexion de tendance libérale dirigé par le politologue Dominique
Reynié. Pour ce faire, l'institut TNS Opinion a interrogé 32 700 jeunes de 16 à 29 ans, originaires de vingt-cinq pays.Une sélection qui se veut représentative mais qui laisse de côté
certaines parties du globe : en Afrique ne figurent que le Maroc et
l'Afrique du Sud, en Amérique du Sud, le Brésil, et au Moyen-Orient,
Israël. De même, les auteurs reconnaissent que l'enquête, réalisée par
questionnaire électronique, favorise des catégories de population plus
aisées et plus au contact de la globalisation.
Si certaines des
conclusions apparaissent comme attendues – le pessimisme légendaire des jeunes
Français –, d'autres sont plus surprenantes, comme celles montrant que
les jeunes Chinois sont les plus préoccupés par la pollution. D'autres,
enfin, sont légèrement anecdotiques, comme la statistique montrant que
27 % des jeunes Indiens rêvent de
devenir célèbres.
La jeunesse française entre bonheur privé et peur de l'époque. 83
% des Français se disent satisfaits de leur vie, un chiffre supérieur
à la moyenne européenne (78 %). En Europe, seuls les Polonais sont
plus satisfaits (85 %). Dans le monde, seule la jeunesse israélienne
(83 %) parvient au niveau de satisfaction de la jeunesse française. De
même, les Français sont massivement satisfaits de leur temps libre
(73 %), de leurs amis (79 %), de leur santé (83 %) ou de leur famille
(85 %). Lorsque l'on demande aux Français ce qui correspond le plus,
pour eux, à une vie satisfaisante, ce ne sont pas
"gagner beaucoup d'argent" (14 %) ni
"se sentir libre" (18 %) qui arrivent en tête, mais
"fonder une famille" – 47 %, soit un chiffre très supérieur à la moyenne européenne et
que ne dépassent ou n'égalent dans le monde que les Polonais, les
Estoniens, les Russes ou les Marocains.
Le décor change brutalement lorsqu'il s'agit non plus d'
évaluer sa propre situation mais celle du pays tout entier : 25 % seulement
des jeunes Français estiment satisfaisante la situation de leur pays
et 47 % se disent satisfaits de l'époque dans laquelle ils vivent,
contre 55 % des Européens. En écho à cette dissociation entre
inquiétude publique et bonheur privé, c'est la famille (à 88 %) qui
supplante la nationalité (63 %) dans l'identité personnelle des jeunes
Français.
A peine un Français sur deux (53 %) juge son
avenir personnel prometteur, contre 61 % pour la jeunesse européenne. Seules
les jeunesses grecque et japonaise (43 %), hongroise (49 %),
italienne et espagnole (50 %) sont moins optimistes. Et lorsqu'on
interroge les Français sur le fait de
savoir si l'
avenir de leur pays est prometteur, ils sont 75 % à
répondre par la négative. On peut
comparer les 17 % de Français qui pensent que l'
avenir de leur pays est prometteur avec le chiffre des Chinois (82 %) ou des Indiens (83 %).
L'optimisme des jeunes.Fondapol Les jeunes Chinois champions de la mondialisation.
La jeunesse du monde est optimiste, voire très optimiste, à l'égard de
la mondialisation : 91 % des Chinois considèrent qu'elle est une
opportunité, une opinion que partagent 81 % des Brésiliens, 71 % des
Américains et 69 % des Espagnols. En revanche, un jeune Grec sur deux y
voit une menace, de même que 47 % des Français. Les jeunesses marocaine
et turque sont les seules des pays en développement qui restent
partagées sur la question : 49 % y voient une opportunité.
La globalisation vue par la jeunesse du monde.Fondapol Les Chinois jugent aussi l'
avenir de leur pays prometteur (82 %), loin devant les Américains (37 %) ; ils pensent (84 %) que leur pays va
jouer un rôle plus important dans l'
avenir. Les Chinois se disent certains d'
avoir un bon travail dans l'
avenir (85 %, contre 76 % pour les Américains) ; ils sont fiers des riches
de leur pays (57 %, contre 31 % des Américains) ; interrogés sur ce
qu'ils souhaitent le plus
accomplir dans les quinze prochaines années, ils répondent
vouloir "gagner beaucoup d'argent" (64 %, contre 53 % chez les Américains),
acquérir une maison ou un appartement (63 %, contre 55 % pour les Américains) et
créer une entreprise (40 %, contre 17 % chez les Américains).
En Europe, la menace du chômage n'empêche pas l'optimisme. Loin d'
être déprimés par la menace du chômage, les jeunes se déclarent massivement (70 %) certains d'
avoir un
"bon travail" dans l'
avenir.
A l'exception notable des Japonais (32 %), la jeunesse des pays
développés hors d'Europe se révèle presque aussi optimiste que celle
des grands pays émergents. Les Européens sont moins confiants,
notamment les Grecs ou les Français dont moins de la moitié
(respectivement 43 % et 49 %) imagine
pouvoir trouver un
"bon travail". Le niveau de rémunération est le facteur le plus souvent cité par les jeunes dans la quasi-totalité des pays pour
qualifier un bon travail.
La religion et le groupe ethnique peu présents dans l'identité des jeunes. Lorsque l'on demande aux jeunes de
dire quelle dimension collective est importante pour leur identité,
l'humanité (81 %) arrive devant la nationalité (70 %), le groupe
ethnique (53 %) ou la religion (43 %), souvent réputés
compter davantage.
La nationalité est plus importante pour les jeunes Israéliens (85 %)
ou les jeunes Marocains (87 %) que pour les jeunes Européens (66 %),
les jeunes Japonais (54 %) ou Français (63 %). Pour 75 % des jeunes
Marocains, le groupe ethnique joue un rôle important dans leur
identité, contre 45 % au sein de la jeunesse européenne et 61 % parmi
la jeunesse turque. Il en va de même pour la religion (92 %, contre
35 % pour les Européens et 74 % pour les Turcs).
La place centrale de la famille. Partout, les
relations familiales sont jugées précieuses. Au point le plus haut,
98 % des Indiens estiment qu'il est important de
passer des moments avec sa famille, contre 79 % des Japonais, ce qui
constitue le point le plus bas. L'importance des liens familiaux se
retrouve dans la place que les jeunes accordent à la famille dans la
construction de leur identité personnelle : 95 % des Indiens, contre
73 % des Japonais, lui reconnaissent à ce
titre un rôle important.
Non seulement les jeunes accordent une grande importance à la
famille en général, mais ils sont aussi satisfaits de leur propre
famille : 85 % des Européens, 87 % des Américains et 90 % des
Indiens interrogés le disent. La jeunesse japonaise, encore une fois,
se distingue par un taux de satisfaction moins élevé (69 %). Toutes
les jeunesses regardent la famille comme le fondement de la société :
94 % des Chinois, 89 % des Estoniens, 70 % des Français ou 65 % des
Suédois.
Les Européens peu portés sur la religion. La
religion compte dans l'identité personnelle de 92 % des Marocains, 74 %
des Turcs et des Sud-Africains, 66 % des Indiens. A l'inverse, seuls
35 % des Européens, 30 % des Chinois et 28 % des Russes accordent de
l'importance à la religion dans leur identité. En Europe, les plus
attachés à la religion sont les Polonais (55 %) et les Roumains (57 %).
Les moins attachés sont les Français (21 %) et les Suédois (26 %).
44 % des Européens estiment toutefois que l'on devrait
accorder plus de place aux
"valeurs spirituelles" dans la société. Par contraste, 89 % des Chinois partagent cette
opinion, mais aussi 88 % des Russes, 84 % des Marocains, 81 % des
Turcs, 80 % des Sud-Africains, 75 % des Indiens, 72 % des Mexicains,
71 % des Brésiliens et 56 % des Américains. Parmi les jeunesses
d'Europe, les différences sont importantes. Ce sont les Français et
les Allemands qui sont les moins nombreux à
vouloir accorder plus de place aux valeurs spirituelles (31 %).
L'engagement religieux des jeunes.Fondapol Les jeunes des pays émergents ont confiance dans leurs gouvernements. Alors
que 71 % des Chinois et des Indiens expriment leur confiance dans
leur gouvernement, le scepticisme domine la jeunesse européenne, au
sein de laquelle seuls les Suédois se disent majoritairement confiants
dans leur gouvernement (51 %). Les Marocains et les Israéliens
témoignent également d'un fort sentiment de confiance à l'égard de
leur gouvernement (60 %). A l'autre extrémité, on trouve les
Mexicains (14 %), les Français (17 %), les Espagnols et les Italiens
(20 %). Les médias ne sont pas mieux lotis : 28 % des Européens leur
font confiance.
Niveau de confiance dans les institutions.Fondapol Malgré une forte défiance à l'égard des institutions et du personnel
politique, les jeunes restent attachés à la procédure qui constitue
le cœur du système démocratique : 81 % des jeunes pensent que
voter est un
devoir. Ce score très élevé se retrouve partout dans le monde, l'Inde voyant sa jeunesse se
placer en tête sur la question du
devoir citoyen (94 %), suivie par les jeunesses turque (92 %) et mexicaine (90 %).
Partout, l'armée recueille la confiance d'au moins 40 % des jeunes, à
l'exception des Japonais (36 %). Les Russes (41 %) et les Allemands
(43 %) manifestent une confiance relativement faible à l'égard de
leurs militaires. En revanche, elle fait un triomphe chez les Indiens
(93 %), les Chinois (84 %) ou les Israéliens (80 %). En Europe, les
Finlandais et les Britanniques (67 %) sont les jeunesses qui ont le
plus confiance dans leur armée.
La pollution préoccupe plus en Chine qu'en Europe. Parmi
"les plus grandes menaces pour la société ",
la pollution est citée par seulement un tiers des jeunes Européens (et
par 40 % des Français). Elle préoccupe bien plus les Brésiliens (45
%), les Indiens (46 %) et les Chinois (51 %). En Chine et en Inde, la
jeunesse redoute davantage la pollution que
"la pauvreté et la famine".
Dans le reste du monde, ce sont les Canadiens (49 %) et les
Australiens (39 %) qui manifestent la plus grande préoccupation pour
l'environnement avec, à l'opposé, les Israéliens (24 %), les Japonais
(22 %) et les Turcs (16 %).
La pollution est-elle une menace ?Fondapol Les jeunesses des pays d'émigration sont les plus favorables au modèle multiculturel. Ce sont les Chinois qui se prononcent le plus massivement pour une
société où les immigrés conserveraient leurs traditions et leur culture
(85 %) : on trouve ensuite les Mexicains (75 %), les Brésiliens (75
%), les Polonais (71 %), les Indiens (68 %), les Sud-Africains (66 %)
et les Marocains (63 %). A l'opposé, la plupart des jeunes Européens
optent massivement pour l'
"intégration" des immigrés, comme
le montrent les réponses des Espagnols (68 %), des Allemands et des
Français (67 %), ou des Britanniques (66 %).
Les opinions négatives envers les musulmans sont assez répandues au sein de la jeunesse. En
Europe, les Espagnols (42 %), les Allemands (37 %), les Français (37
%), les Suédois (35 %) et les Britanniques (32 %) sont les jeunes
exprimant le plus d'opinions négatives à l'égard des musulmans. Les
niveaux les plus faibles d'opinions négatives se trouvent chez les
Polonais (17 %) et les Roumains (14 %). Dans le monde, les plus
défiants sont les jeunesses israélienne (37 %), australienne (32 %) et
canadienne (29 %). Malgré le traumatisme du 11-Septembre, les jeunes
Américains sont moins nombreux à
faire part d'un sentiment négatif à l'égard des musulmans (24 %), de même
que les Russes (19 %), en dépit des tensions dans la région du
Caucase.
39 % des jeunes Français ne veulent pas payer les retraites de leurs aînés, soit un chiffre comparable à la moyenne européenne. Les Grecs sont les plus nombreux à
exprimer ce refus (52 %), talonnés par les Japonais (50 %). En totale
opposition avec les jeunes des pays riches, 83 % des Indiens, 77 % des
Chinois, 76 % des Marocains et 73 % des Russes se disent prêts à
payer pour les retraites de leurs aînés. De façon peu surprenante, les jeunes
des pays anglo-saxons se révèlent les plus libéraux sur le plan
économique. Appelés à
choisir entre le moins d'impôts possible et le plus de protection sociale
possible, 72 % des jeunes Américains optent pour la première solution de
même que 62 % des Canadiens et 52 % des Australiens. 38 % des Français
font le même choix.
Les jeunes Britanniques sont les plus romantiques. Le fait d'
être amoureux est l'un des critères les plus souvent mentionnés par les jeunes pour
définir une vie satisfaisante. C'est la jeunesse britannique qui accorde le plus d'importance au fait d'
être amoureux (55 %), loin devant les Français (35 %), les Italiens (32 %)
ou les Espagnols (29 %). Parmi la jeunesse mondiale, ce sont les
Russes (11 %) et les Mexicains (12 %) qui y accordent le moins
d'importance. A l'opposé, on trouve les Américains (46 %), les
Sud-Africains (38 %), les Australiens (43 %), les Indiens (36 %) et les
Israéliens (30 %).
Des jeunes pas si libérés sexuellement. Pour une
fraction non négligeable de la jeunesse, les relations sexuelles hors
mariage ne sont pas acceptables : 20 % des Européens les
désapprouvent. En dehors de l'Europe, cette réprobation est plus forte
parmi les Américains (40 %), les Sud-Africains (60 %), les Indiens
(74 %) ou encore les Marocains (85 %). Les jeunesses les plus
"permissives" se trouvant en Europe, où les Français (10 %) et les
Estoniens (12 %) sont les moins nombreux à
considérer que les relations sexuelles hors mariage ne devraient pas
être autorisées.
La sexualité vue par les jeunesFondapol Les Espagnols (88 %), les Français (87 %), les Britanniques et les Allemands (85 %) sont les plus nombreux à
dire n'
avoir aucun problème avec les personnes ayant une orientation sexuelle différente de la leur. A l'inverse, les plus nombreux à
exprimer une gêne sont les Marocains (40 %), les Israéliens (38 %), les Turcs (37 %) et les Chinois (30 %).
L'égalité entre les sexes devient quant à elle une valeur de plus en
plus consensuelle. Les jeunes Occidentaux font de l'égalité
hommes-femmes l'une des caractéristiques de leur société idéale (94 %
des Américains et des Français, 93 % des Canadiens et des Espagnols,
91 % des Allemands, des Finlandais, des Australiens et des
Britanniques). La jeunesse marocaine est la plus rétive à l'idée de
l'égalité des sexes, 50 % des Marocains ne retenant pas ce critère
pour
définir leur société idéale, de même, mais dans une moindre mesure, que les
jeunesses japonaise (30 %), israélienne (24 %) et turque (20 %).
Les jeunes se préoccupent plus d'être beaux ou belles que leurs aînés. 83 % des 16-29 ans accordent de l'importance au fait d'
être beau ou belle, contre 77 % des 30-50 ans. L'importance accordée à la
beauté est plus prononcée chez les femmes (85 %) que chez les hommes
(80 %). De même, les jeunes se préoccupent davantage de
suivre la mode (49 % des 16-29 ans, contre 42 % des 30-50 ans). La jeunesse
d'Europe de l'Est apparaît plus concernée par ces préoccupations. La
jeunesse indienne affiche un intérêt spectaculaire pour ces sujets :
94 % disent qu'il est important d'
être beau et 80 % qu'il est important de
suivre la mode.
40 % des jeunes Chinois déclarent que pour avoir une vie satisfaisante il faut se sentir libre. C'est le chiffre le plus élevé parmi les jeunesses du monde. En effet,
seuls 22 % des Européens et 18 % des Français partagent cet avis.
Gagner beaucoup d'argent est l'une des trois priorités dans les quinze années à venir pour 64 % des Chinois. Cet avis est partagé par 60 % des Indiens mais seulement par 33 % des
Hongrois et 28 % des Marocains. Les jeunes Français se situent au niveau
de la moyenne européenne (48 % des Français et 47 % des Européens).
Les jeunes Européens sont massivement opposés à l'idée de mourir à la guerre pour défendre leur pays (59 %). C'est particulièrement le cas des Espagnols (75 %), des Italiens (72 %)
et des Allemands (65 %). Le refus des jeunes Français se situe au
niveau de la moyenne européenne (59 %). Les jeunesses qui accepteraient
le plus ce sacrifice sont les Indiens (76 %), les Turcs (71 %) et les
Chinois (71 %).
71 % des jeunes Indiens et 58 % des Israéliens déclarent qu'il est acceptable de désobéir pour combattre l'injustice dans la société. 47 % des Chinois disent
être d'accord avec cette idée, proche de la moyenne mondiale (49 %). 57 % des Français pensent qu'il est acceptable de
désobéir pour
combattre l'injustice. Enfin, 55 % des Marocains se disent également disposés à
désobéir à la loi.
La jeunesse turque ne croit plus en l'Europe. 62 % n'ont pas confiance dans l'Union européenne.
La célébrité ne fait rêver que la jeunesse indienne. 27 % des Indiens souhaitent
devenir célèbres dans les quinze ans à
venir, contre seulement 6 % des jeunes en moyenne.
Benoît Vitkine