AutobiographieL'
autobiographie est un
genre littéraire et artistique que son
étymologie grecque définit comme le fait d'écrire (
graphein, graphie) sur sa propre vie (
auto, soi et
bios, vie). Au sens large l'autobiographie se caractérise donc
a minima par l'identité de l'auteur, du narrateur et du personnage : le mot est assez récent, il n'est fabriqué qu'au début du
XIXe siècle (1815 en anglais, 1832 pour l'adjectif et 1842 pour le substantif en
français). L'approche actuelle parle dans ce cas plutôt de « genre
autobiographique », réservant à « autobiographie » un sens plus étroit
qu'a établi
Philippe Lejeune dans les
années 1970 et qui fait consensus.
L'analyse littéraire moderne s'accorde à définir avec lui l'autobiographie comme « un
récit rétrospectif en
prose qu'une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met
l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa
personnalité. »
[1]Cependant, il convient de faire quelques réserves sur l'exigence de
la prose, sur laquelle Philippe Lejeune est lui-même revenu. Nombre de
véritables autobiographies, en effet, ont été rédigés en vers. L'une des
plus célèbres et des plus réussies est
The Prelude (« Le Prélude ») de
William Wordsworth.
On établit ainsi une distinction avec les
Mémoires qui mettent l'accent sur le contexte historique de la vie de l'auteur, en donnant souvent en exemple les
Mémoires de
Retz ou ceux de
Saint-Simon.
Furetière,
dès le XVIIe siècle définissait les Mémoires comme " des Livres
d’Historiens, écrits par ceux qui ont eu part aux affaires ou qui en ont
été témoins oculaires, ou qui contiennent leur vie ou leurs principales
actions. » (
Dictionnaire universel, 1684); dans les Mémoires les
écrivains racontent leur vie publique, dans leur autobiographie, ils
racontent leur vie individuelle, "l'histoire de [leur] personnalité"
(Lejeune,
Le Pacte autobiographique), leur intimité.
Philippe Lejeune précise sa définition en incluant la caractéristique
de « récit rétrospectif », - essentiellement en prose et à la première
personne mais sans exclure l'usage du vers et de la 3
e personne (
Marguerite Yourcenar,
Souvenirs pieux), voire de la 2
e (
Charles Juliet,
Lambeaux) -, ce qui distingue l'autobiographie du journal/
journal intime (
Catherine Pozzi,
Journal 1913-1934) ou de la
correspondance (
Correspondance 1918-1951,
Jean Paulhan -
André Gide)
dont l'écriture est concomitante des faits vécus. L'autobiographie où
l'auteur est à la fois dans la confidence, parfois la justification, et
dans la recherche de soi, constitue toujours une reconstruction
rétrospective ce qui la différencie des textes parcellaires à contenu
autobiographique comme les recueils de
poèmes lyriques.
Un autre point déterminant est la sincérité du propos :
implicitement, l'auteur conclut un « pacte » avec le lecteur en
utilisant la catégorie « autobiographie », il peut aussi préciser son
intention dans une préface comme
Jean-Jacques Rousseau pour
les Confessions. La frontière est parfois floue avec le genre du
roman comme pour le
roman autobiographique (
Benjamin Constant,
Adolphe, 1816) ou l'
autofiction moderne (
Annie Ernaux,
Passion simple, 1991) et ses précurseurs de l'autofiction (
Colette,
Louis-Ferdinand Céline,
Jean Genet...)
qui se réclament de la fiction par des intitulés comme récit, roman ou
simplement par l'absence du mot « autobiographie », qui rejettent le
pacte autobiographique.
L'autobiographie ainsi définie constitue donc une forme particulière
de « l'écriture de soi » et des « récits de vie », un genre littéraire
de l'époque moderne que l'on s'accorde à faire naître avec les
Confessions de
Jean-Jacques Rousseau dans la deuxième partie du
XVIIIe siècle et qui s'épanouit avec l'époque
romantique (
Chateaubriand,
George Sand,
Musset) jusqu'à nos jours, en particulier avec les récits d'enfance grand public (
Marcel Pagnol,
Robert Sabatier) et les souvenirs réécrits (
Philippe Noiret,
Mémoire cavalière). Cependant les œuvres les plus intéressantes sont celles qui ont été renouvelées par l'apport de la
psychanalyse (
Michel Leiris,
L’Âge d’homme -
Sartre,
les Mots), par les recherches formelles (
Colette,
Sido -
Jean Giono,
Jean le Bleu), et par le questionnement du genre (l’œuvre de
Colette dans son ensemble,
Nathalie Sarraute,
Enfance -
Georges Perec,
W ou le souvenir d'enfance -
André Malraux,
Antimémoires).