Les pays sous de développement
Plusdes trois quarts des membres de l’OMC sont des pays sous développés ou en voiede
développement.Pourtant, environ quinze pays en voie de développement seulementv et un pays
sousdéveloppé (la Tanzanie)viont pris une part active aux négociations ayant débouché sur
l’ADPIC.Les pays en voie de développement ont initialement résisté à l’inclusion de la PI dans le
systèmedu commerce mondial de l’OMC. En fin de compte, ils ont pu obtenir l’inclusionde deux
dispositionsimportantes qui indiquent clairement qu’en établissant la protection par la PI, les pays
membresdoivent l’orienter de sorte qu’elle « favorise le bien être social etéconomique »vii. En
d'autrestermes, la PIn'est pas une fin en soi. La déclaration de Doha de l’OMC sur l’ADPIC et la
Santépublique (2001)viii tire directement son inspiration de ces deux dispositions.
Despériodes de transition pour l'implémentation de ces dispositions ont étéconvenues : aux pays en
voiede développement et sous-développés il a été donné quatre annéessupplémentaires c’est-à-dire
jusqu'au1er janvier 2000. Quant aux pays les moins avancés (actuellement 32) il leur aété accordé
jusqu'au1er janvier 2006 ; plus tard, cette échéance a été prorogée jusqu’au 1erjuillet 2013. On
constateque le système choisi par l’accord sur les ADPIC lui permet de s’intégrer ausystème
juridiqueinterne de chaque pays membre, ce qui implique des coûts, dus à l’exigence de
l’introductionde standards minimums, au contrôle aux frontières, aux mesures d'applications
internes,et à la désignation des autorités chargées de la mise en oeuvre.
En1995, l'OrganisationMondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) a négocié un accord de
coopérationavec l’OMC en vue de fournir une assistance technique aux pays en voie de
développementpour l’implémentation de l’ADPIC. Cette assistance concernerait le processus
législatif,l'informatisation des bureaux nationaux de la PI et la formation. Ces dernières années, le
programmede l’OMPI a été très critiqué par des observateurs dans la mesure où il aadopté une
approcheADPIC-plus et n’a pas fourni les meilleurs conseils aux pays en voie dedéveloppement.
Laréforme du programme d'assistance technique de l’OMPI est l'un des élémentsinscrits dans le
plande développement de l’OMPI tel que proposé par quatorze pays en voie dedéveloppement qui
ensont membres. (Voir A Development Agenda for WIPO : International Policy Issues).
Accordscommerciaux bilatéraux
L’unedes raisons pour laquelle les pays en voie de développement ont acceptél’accord sur les
ADPICétait qu'ils ont cru qu'un cadre multilatéral pour la PI mettrait un terme auxpressions
bilatéralestelles que la procédure « Special 301 » des États-Unis. (Cette procédure permetaux
représentantscommerciaux des USAde menacer de sanctions commerciales les pays qu'ils
considèrentcomme ne protégeant pas assez les droits de la PI des citoyens des Etats-Unis).
Cependant,une prolifération récente des accords commerciaux bilatéraux et régionaux,conduits par
lesEtats-Unis et l'UE, indique que l’on retourne à une phase bilatérale, et queplusieurs de ces
accordsadoptent l’approche dite maximalisteix. Cette technique est connue comme étantla
politiquede « la double porte arrière » (double backdoor). Selon cette politique, au furet à mesure
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qu’unnombre croissant de pays adoptent les normes de l’ADPIC-plus (les normes plusélevées), ils
contribuentà créer une nouvelle norme, ce qui augmente la possibilité que cette normepuisse être
adoptéelors de la révision de l’accord sur les ADPICx.
Deuxdes plus grands blocs commerciaux du monde ont des noms différents pour leursaccords. Les
accordsdes Etats-Unis sont appelés « Free Trade Agreements (FTAs) » alors que lesaccords de
l'UnionEuropéenne sont appelés « Economic Partnership Agreements (EPAs) ». Les deux
aboutissentgénéralement au même résultat : un chapitre étendu sur la PI et l'adoption par le pays
d’accueil« des normes internationales les plus élevées de la protection de la PI » (la Tunisie,
Jordanie,Palestine EPAs) ou « … un niveau de protection semblable à celui que l’ontrouve dans la
loides Etats-Unis… » (objectif visé lors des négociations des FTAs).
LesFTAs peuvent inclure les dispositions suivantes de la PI :
• le prolongement de la durée protection de 20années de plus que celle prévue par les
accordssur les ADPIC;
• des engagements tels que ceux contractés parles Etats-Unis contre le contournement des
mesurestechniques de protection ;
• la responsabilité des fournisseurs d’accèsinternet, lorsque des oeuvres contrefaisantes sont
distribuéesà travers leurs réseaux ;
• la prohibition des importations parallèlesdes oeuvres protégées par le droit d'auteur qui ont
étélégalement vendus dans les marchés étrangers ;
• l’obligation de mettre en oeuvre l’accord surles ADPIC. Un pays en voie de
développementne peut invoquer l’insuffisance de ressources pour éviter de tenir ses
engagements ;
• l’adhésion aux traités Internet de l’OMPI(1996) ;
• en cas d’infraction au droit d’auteur, lacharge des preuves peut être mise à la charge de la
partiedéfenderesse qui doit alors prouver que l’acte accompli n’enfreint pas la loisur le
droitd’auteur.
Chacunede ces dispositions a pu avoir un impact négatif sur les bibliothèques. Ilserait par
conséquentimportant que les bibliothèques participent aux négociations. Les pays en voiede
développementen particulier peuvent avoir des priorités financières concurrentes, telles quela santé
etl'éducation de base ; les ressources destinées à ces priorités ne devraient pasêtre détournées de
leurobjectif initial pour être affectée à la PI. D’ailleurs, des débats publics et desprotestations, ont
eulieu dans plusieurs pays où des accords commerciaux bilatéraux sont en cours denégociation.
Directivespour des bibliothèques
Lesdispositions relatives aux droits d'auteur dans les accords commerciauxinternationaux,
traduitesdans les lois nationales, peuvent avoir un grand impact sur l'activité desbibliothèques et
desservices qu'elles fournissent à leurs usagers. En imposant de nouvellesobligations et en
renforçantleur mise en oeuvre, les accords bilatéraux peuvent perturber l’équilibretraditionnel entre
lesdroits et les exceptions, si important pour les bibliothèques, aussi bien dansles accords
internationauxet que dans les lois nationales. On peut en déduire que les bibliothèques sontdes
institutionsintéressées au premier chef et qu’elles doivent être consultées pendant toutenégociation
commerciale.Cette implication des bibliothèques n'est pas toujours facile pour un certainnombre
deraisons.
Ala différence d'autres secteurs de prise de décision politique, lesnégociations commerciales sont
souventtenues à huis clos avec peu ou pas d'examen public. Par exemple, le Conseil desADPIC de
l’OMC,qui suit le fonctionnement des ADPIC, tient ses réunions à huis clos enl’absence
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d’observateursde la société civile. Il peut même être difficile de trouver des informations
élémentairestelle que le calendrier des négociations commerciales bilatérales ou d’obtenirdes
copiesdes documents de travail. En plus, les négociations sont conduites par desfonctionnaires en
chargedu commerce, qui peuvent ne pas avoir des connaissances ou qui peuvent n’avoirque très
peude connaissances du droit d’auteur et des implications de leurs décisions pourles bibliothèques,
l’éducationet la culture.
Cependant,il incombe aux bibliothécaires et aux associations professionnelles debibliothèques de
s’informersur les accords commerciaux en cours de négociation par leur gouvernement, pour
établirl'effet de toute disposition relative au droit d’auteur sur l'accès au savoir,à l'éducation et à la
recherchescientifique et pour faire des contre-propositions afin d’en atténuer touteffet négatif.
Uneassistance est disponible. Il y existe plusieurs sources d'informations, tellesque
« bilaterals.org », qui établit des rapportssur « tout ce qui ne se fait pas à l’OMC ». Les membres
du« Consortium Electronic Information for Librairies (eIFL.net) » peuvent seservir du programme
dela PI comme aide. La Fédération Internationaledes Associations de bibliothèques et institutions
apublié des déclarations politiques sur l’OMC et les ADPIC.
L’accèsau marché définit les quotas, qui peuvent changer de temps en temps, pourl'exportation des
marchandisesd’un pays à l'autre. Cependant, si un pays offre une protection juridique enéchange
del'accès au marché, cette protection est à jamais acquise. C'est pourquoi lacommunauté des
bibliothèquesdoit avoir son mot à dire.