La loi contre la délinquance des mineurs en SUISSEPour
tenir compte des préoccupations relatives à la
sécurité publique, il s'est avéré nécessaire
de réformer les dispositions du code pénal, notamment celles
concernant les mineurs.
Un
projet de loi fédérale régissant la
condition
pénale des mineurs est actuellement examiné par le Conseil
fédéral. Il prévoit la séparation du droit
pénal des mineurs de celui des adultes et le relèvement de
l'âge de la responsabilité pénale de sept à dix ans.
En ce qui concerne la lutte contre la délinquance juvénile, les
mesures proposées privilégient la prise en compte de la
personnalité du mineur et sa situation familiale plutôt que
l'infraction elle-même :
- mise en place de nouvelles dispositions concernant les mesures de
protection et de placement ;
- élargissement du système des peines et multiplication des
motifs d'exemption ;
- collaboration entre les autorités civiles et les autorités
pénales des mineurs. Le texte qui suit analyse les dispositions de ce projet de loi.
I. LE DEVELOPPEMENT DE NOUVELLES MESURES
1) Les mesures de protection
Elles
sont prises même en l'absence d'une infraction commise par le mineur, par
exemple en cas d'éducation déficiente. Dans certains cas, elles
peuvent même limiter la compétence des parents.
a) La surveillance
Lorsqu'un mineur a commis un acte répréhensible et que
l'enquête socio-pédagogique effectuée met en
évidence la nécessité de mesures éducatives ou
thérapeutiques, l'autorité de jugement donne des indications ou
des instructions aux parents ou aux gardiens du mineur qui devront le
surveiller, éventuellement lui donner les soins adéquats et
assurer sa formation et des
" loisirs judicieux ", sous le
contrôle d'une personne ou d'un office qualifiés (travailleurs
sociaux ou office des mineurs).
Les parents peuvent également être invités à se
rendre régulièrement chez un thérapeute ou à
prendre conseil auprès de spécialistes. S'ils ne respectent pas
ces instructions, des mesures plus strictes seront prises.
b) L'assistance personnelle
"
Si la surveillance prévue [...] ne suffit pas,
l'autorité de jugement désigne une personne à même
de seconder les parents dans leur tâche éducative et d'apporter
une assistance personnelle au mineur ".
L'assistant personnel est un animateur socio-éducatif qui se porte
responsable de la personne assistée et seconde les parents dans leur
tâche éducative.
Dans certains cas, l'autorité parentale peut être partiellement
retirée aux parents pour être confiée à l'assistant
personnel (éducation, soins, formation du mineur...).
c) Le traitement ambulatoire
"
Si le mineur présente un trouble psychique ou un
trouble du développement de sa personnalité, s'il est
dépendant d'alcool, de drogues ou de médicaments,
l'autorité de jugement peut ordonner un traitement
ambulatoire ".
Cette mesure peut être imposée contre la volonté des
parents. Elle peut être cumulée avec la surveillance, l'assistance
personnelle ou le placement dans un établissement d'éducation.
2) Le placement
a) Le placement familial ou dans une maison
d'éducation
Cette
mesure est ordonnée lorsque les mesures de surveillance, d'assistance
personnelle ou le traitement ambulatoire se révèlent insuffisants.
Le mineur peut être placé chez des particuliers ou dans un
établissement d'éducation ou de traitement qui assureront son
éducation et/ou son traitement.
D'autres solutions peuvent être choisies, dont certaines sont
déjà mises en pratique : placement dans une
communauté thérapeutique ou sur un bateau-école par
exemple. Le facteur déterminant est la personnalité du
mineur.
b) Le placement en établissement
fermé
Cette
mesure ne peut être ordonnée que par l'autorité de jugement
"
lorsqu'il résulte d'une expertise médicale ou
psychologique que le placement s'avère indispensable, soit dans
l'intérêt du mineur lui-même, soit dans celui
d'autrui ". Ce placement est effectué chez des particuliers ou
dans un établissement d'éducation ou de traitement.
Si le mineur a entre dix-huit et vingt-cinq ans, la mesure peut être
exécutée ou continuer à être exécutée
dans un établissement pour jeunes adultes.
* *
*
Lorsque
le placement concerne des adolescents, "
l'autorité
d'exécution doit en outre veiller à leur formation
professionnelle, à la régularité de leur travail ainsi
qu'à l'emploi judicieux de leurs loisirs et de leur gain ".
Dans tous les cas, le mineur doit recevoir la formation et l'instruction
nécessaires "
pour qu'il prenne conscience de sa propre valeur
et améliore ses chances de réussir ".
Si la situation s'améliore, les mesures imposées peuvent
être remplacées :
- soit par des mesures plus clémentes, notamment sur demande faite
à l'autorité d'exécution par le mineur ou par ses
représentants légaux ;
- soit par des mesures plus sévères ordonnées par
l'autorité de jugement.
Chaque année, l'autorité d'exécution examine si les
mesures peuvent être levées, parce que leur objectif est atteint,
ou quand elles pourront être levées.
Les mesures de surveillance et d'assistance personnelle ne peuvent être
maintenues au-delà de l'âge de la majorité civile qu'avec
l'accord de l'intéressé. Toutes prennent fin lorsqu'il atteint
l'âge de vingt-trois ans.
Toutefois, lorsque les mesures prévues n'ont pas atteint leur but et que
leur suppression risque de comporter des inconvénients importants pour
le jeune adulte lui-même ou pour la sécurité d'autrui, les
autorités d'exécution doivent requérir des
autorités civiles les mesures appropriées, voire l'internement
aux fins d'assistance.
II. L'ELARGISSEMENT DU SYSTEME DES PEINES
1) Les peines alternatives à la
prison
a) La réprimande
Elle
consiste en une réprobation formelle de l'acte commis. Cette mesure
n'est envisagée que lorsque l'infraction est mineure et qu'il n'existe
pas de motif d'exemption de peine.
Lorsque l'autorité de jugement a déclaré le mineur
coupable, elle ne prononce une réprimande que lorsqu'elle estime que
cette mesure suffira à le détourner de la récidive.
Elle peut être assortie d'une mise à l'épreuve dont la
durée est comprise entre six mois et deux ans.
En cas de récidive pendant ce délai, une peine plus
sévère est prononcée.
b) La prestation personnelle
Le juge
astreint le mineur à effectuer une prestation personnelle au profit
d'institutions sociales, d'oeuvres d'utilité publique et de personnes
ayant besoin d'aide ou de la victime
(5(*)). Le travail doit être adapté
à l'âge et aux capacités du mineur. Il dure au maximum dix
jours, mais cette durée peut être portée à trois
mois pour les mineurs de plus de seize ans.
Les prestations personnelles peuvent également consister en la
participation à des cours ou à des programmes du jour ou du soir
organisés par des centres éducatifs et pédagogiques.
Elles peuvent être accompagnées d'une obligation de
résidence.
En cas d'inexécution ou de mauvaise exécution de cette
prestation, un avertissement fixant un ultime délai est adressé
au mineur. S'il reste sans effet, le mineur de moins de seize ans peut
être astreint à effectuer sa prestation sous surveillance directe
de l'autorité d'exécution ou d'une personne
désignée par elle.
Pour le mineur de plus de seize ans, la prestation personnelle est convertie en
amende ou en peine privative de liberté dont la durée ne peut
dépasser celle de la prestation.
c) L'amende
Le
mineur de plus de seize ans peut être condamné à une amende
dont le montant maximum s'élève à 2.000 francs
suisses (environ 8.000 francs français). Le montant est fixé en
fonction de la situation personnelle du mineur. Il doit payer lui-même,
dans un délai déterminé, mais peut obtenir des
prolongations de délai ou un paiement fractionné.
Lorsqu'il en fait la demande, tout ou partie de l'amende peut être
converti en prestation personnelle.
Si le mineur n'a pas payé l'amende dans le délai imparti et s'il
n'a pas demandé la conversion en prestation personnelle, il est
condamné à une peine privative de liberté qui ne peut
excéder trente jours.
d) L'exemption de peine
Elle
relève de l'autorité de jugement et est subordonnée au
prononcé d'un verdict de culpabilité. Elle n'est accordée
au mineur que dans six cas déterminés :
- lorsque le prononcé de cette peine risque de compromettre l'objectif
visé par une mesure déjà ordonnée ;
- lorsque les infractions commises sont peu importantes :
- s'il a réparé lui-même le dommage causé
"
dans la mesure de ses moyens " ou a fourni un effort
particulier pour compenser le tort causé ;
- s'il a été directement atteint par les conséquences de
son acte au point qu'une peine serait inappropriée ;
- s'il a été suffisamment puni par ses parents ou par la personne
responsable de son éducation ;
- si une période relativement longue s'est écoulée depuis
l'infraction, si le mineur s'est bien conduit pendant cette même
période et si l'intérêt public et celui de la personne
lésée à entamer des poursuites sont minimes.
2) Les peines privatives de
liberté
a) Les conditions
Les
mineurs de plus de seize ans peuvent se voir infliger une peine privative de
liberté pour une durée d'un jour à un an.
Cette peine peut être portée à quatre ans pour les mineurs
de plus de dix-sept ans :
- si le crime commis justifie, pour un adulte, une peine privative de
liberté de trois ans au moins ;
- ou si l'infraction a été commise
" en faisant preuve
d'une absence particulière de scrupules ".A la demande du mineur, la privation de liberté d'une durée de
trois mois au plus peut être convertie en prestation personnelle d'une
durée égale.
b) La détention
Cette
peine peut être exécutée :
- sous forme de semi-détention si sa durée est inférieure
à un an, le mineur passant son temps de repos et de loisirs dans
l'établissement pour mineurs tout en poursuivant son travail ou sa
formation à l'extérieur ;
- sous forme de journées séparées si elle ne
dépasse pas un mois, pendant les jours de repos ou de vacances du
mineur, ou en semi-détention.
Les peines de détention sont effectuées dans des
établissements pour mineurs assurant la prise en charge éducative
des jeunes délinquants et permettant de préparer leur
réintégration sociale après leur libération.
Lorsque la peine privative de liberté et une mesure de placement sont
prononcées simultanément à l'encontre d'un mineur, c'est
cette dernière qui prime. Si la mesure de placement est levée
parce qu'elle a atteint son objectif, la privation de liberté n'est plus
exécutée.
c) La libération conditionnelle et la mise à
l'épreuve
Le
mineur peut être libéré sous condition après avoir
exécuté la moitié de sa peine et s'il n'est pas
susceptible de commettre de nouveaux crimes ou délits.
Cette libération est assortie d'une mise à l'épreuve
comportant des règles de conduite à respecter, dont la
durée correspond au solde de la peine (six mois au moins, deux ans au
plus).
Une personne qualifiée soutient le mineur pendant la période de
mise à l'épreuve et rend compte de sa mission à
l'autorité d'exécution qui l'a nommée.
En cas d'échec de la mise à l'épreuve, le mineur peut
être condamné à exécuter tout ou partie du solde de
sa peine. La durée de la mise à l'épreuve peut
également être prolongée d'un an au maximum.
d) Le sursis à
exécution
L'exécution d'une peine privative de liberté d'une
durée de trente mois au maximum ou du paiement d'une amende peuvent
être suspendus par l'autorité de jugement s'il est vraisemblable
que le mineur ne commettra pas d'autres infractions.
III. LA COLLABORATION DES AUTORITES CIVILES ET DES
AUTORITES PENALESPour
éviter que des mesures prises par les autorités civiles de
protection des mineurs ne deviennent caduques du fait de l'introduction d'une
procédure pénale, le projet prévoit la possibilité,
pour l'autorité pénale, de demander aux autorités
civiles :
- d'ordonner des mesures qui dépendent de ces dernières ;
- de faire des propositions pour la désignation d'un tuteur ou de
requérir un changement de représentant légal.
Par ailleurs, certaines compétences peuvent être
transférées par l'autorité pénale à
l'autorité civile, mais seulement en présence de raisons
majeures, notamment si une procédure de retrait de l'autorité
parentale a été introduite.
Si l'autorité civile renonce à ordonner des mesures de
protection, elle peut demander à l'autorité pénale
d'ordonner elle-même ces mesures.