abdelhalim berri المدير العام
الإسم الحقيقي : Abdelhalim BERRI البلد : Royaume du Maroc
عدد المساهمات : 17537 التنقيط : 94962 العمر : 63 تاريخ التسجيل : 11/08/2010 الجنس :
| موضوع: le Portrait de Boudoubour - Première partie الإثنين 31 أكتوبر 2011, 18:48 | |
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| | Je m'appelle Antoine Lareçource. Et de la ressource il m'en fallait à cette époque obscure de mon enfance où j'étais obligé de vivre une vie dont je ne voulais pas.
Il me suffit de fermer les yeux un instant pour être transporté de |
| nouveau en ces temps, pour en parler au présent alors qu'ils sont passés.
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J'ai onze ans. Je sais qu'au paradis, il y a Dieu et les anges. Le paradis, c'est tout là-haut, très loin. Beaucoup trop loin pour moi.
Du moins, c'est ce que répète monsieur le Curé au catéchisme : - Antoine, je suis sûr que tu es plein de bonnes intentions mais souviens-toi qu'il y a loin de la coupe aux lèvres.
Cela signifie que même si je suis sage à partir de maintenant jusqu'à la fin des siècles j'ai peu de chances de me faire pardonner tous mes péchés.
En enfer, il y a le diable et les diablotins. C'est en bas, pas loin. La preuve, j'en viens. Du moins, c'est ce que dit mon père quand il parle de moi : - Diable de gamin. Il est infernal !
L'enfer est brûlant. Brûlant comme mes joues quand j'ai pleuré, comme mes fesses après la raclée, comme mon dos après le fouet.
Mon père me dit que c'est pour mon bien, ces corrections. Moi je dis que je dois être une grosse erreur pour qu'il faille autant de corrections.
Certains ont des anges gardiens. Moi, j'ai un diablotin gardien. Il s'appelle Bou- doubour. C'est mon premier ami.
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| | Il m'accompagne partout, perché sur mon épaule le jour et sur mes rêves la nuit.
Il possède une très belle fourche-à-passions qu'il manie comme une majorette manie son bâton à la parade. |
| C'est avec les deux dents de cette fourche qu'il m'asticote l'imagination. Cette fourche-à-passions c'est comme le sel quand le manger est fade, elle donne du goût aux choses.
Mon père voudrait que je prenne exemple sur mon frère aîné qui ne respire, ne vit, n'agit qu'en fonction de la ferme dont il héritera. J'aime bien les bêtes, leur odeur et aussi celle de la terre après la pluie mais pas au point de passer toute ma vie dans une étable.
J'ai la passion de lire, d'écrire, de jouer la comédie. Je ne veux pas rester à la ferme. Quand je serai grand, je veux écrire des histoires et faire du théâtre comme Léo.
Léo, c'est le cousin de mon père. L'artiste de la famille. La honte de la famille. Sa brebis galeuse. C'est aussi mon parrain. Il n'a rien à lui, pas de maison, pas de terres, pas d'économies. Il va de ville en ville donner ses représentations dans des salles miteuses. Un jour il est Harpagon, le lendemain Sganarelle, le Cid le matin, Cyrano de Ber- gerac le soir. Je connais tous ces personnages qu'il joue pour moi tout seul chaque fois qu'il me rend visite. Si je ne comprends pas toujours les mots, je sais qu'ils sont beaux et qu'ils disent de grandes choses. Parrain Léo et moi sommes comme deux têtes dans le même bonnet. Il est mon deuxième ami.
Chez moi, il n'y a pas de livres. C'est mon troisième et dernier ami, le libraire, qui me prête en cachette tout le papier imprimé que je peux faire entrer en fraude dans ma chambre. |
| | Quand on m'envoie en courses à la ville, je cours comme un fou pendant les deux kilomètres de l'aller et les deux kilomètres du retour.
L'économie de temps me permet de voler quelques minutes de lecture enfoui entre les étagères pleines à craquer et les piles de |
| bouquins en attente de rangement de sa boutique. Notre amitié est arrivée comme ça, un jour comme les autres où je m'étais faufilé dans la librairie. Sa main se posa sur mon épaule et me fit sursauter au point que je lâchai le volume de Robinson Crusoé dans lequel j'étais plongé quelques secondes auparavant. - Il te plaît, ce livre ? Je hochai la tête vigoureusement d'arrière en avant. - Oui, c'est bien ce qu'il me semblait. Veux-tu l'emmener pour le lire tranquillement ? Je balbutiai que je n'avais pas d'argent pour l'acheter. - Qui te parle de l'acheter ? Je te le prête pour le temps que tu veux. Quand tu auras ..fini de le lire, ramène-le moi, je te prêterai un autre livre. N'en parle à personne, je ..n'en parlerai pas non plus. Ce sera notre secret.
Je dois faire bien attention à cacher ces livres à des endroits différents pour que mon grand frère ne soupçonne rien. Il me dénoncerait à mon père qui considère la lecture comme une perte de temps et un bourrage de crâne inutile réservé aux oisifs et aux prétentieux.
Il m'a déjà surprit en flagrant délit de lecture dans l'écurie alors que j'étais censé brosser notre cheval Pompon. - Gros faignant, tu vas voir ce que tu vas voir ! A son cri, mon père est arrivé. Il avait déjà dans la main la courroie de cuir qui sert à redresser les torts.
Ce qui m'a fait le plus de mal, ce ne sont pas les coups, ni les ricanements d'aise de mon frère pendant que j'étais battu, ni que j'ai été obligé de dire que j'avais volé ce livre pour ne pas dénoncer le libraire. |
| | Ce qui m'a fait vraiment souffrir c'est de voir mon père déchirer ce livre, le piétiner puis enfin le jeter au feu, et détruire tous les gens, les animaux, les forêts, les lacs, le monde entier contenu dans ses pages.
Mon ami le libraire auquel je racontais ma déconfiture me consola. |
| - Ne pleure plus, Antoine, ce n'était que du papier, ce n'était qu'un des mille, ou ..dix mille, ou cent mille exemplaires imprimés de ce livre. C'était les contes d'An- ..dersen, oui, je sais. (je lui avais rappelé le titre pour souligner le scandale) Tu sais, ..tant de gens les ont lus, racontés dans toutes les langues, qu'à présent ils font partie ..de la mémoire des hommes. Voilà la force de la parole écrite : elle se transmet. Il y ..aura toujours quelqu'un pour s'en souvenir. ..Depuis la nuit des temps il y a trois catégories d'humains. Ceux qui transmettent ..le savoir, ceux qui veulent le garder pour eux tous seuls et enfin, ceux qui le com- ..battent parce qu'ils en ont peur. Toi et moi nous faisons partie de la première ..catégorie c'est pourquoi nous sommes amis. Tu trouveras sur ta route d'autres ..amis. Il faut simplement les chercher et être fidèle à toi-même. ..La seule chose que tu dois retenir pour l'instant c'est que d'un mal arrive toujours ..un bien. En l'occurrence, la vie t'a retiré un livre (que tu retrouveras bien un jour ou ..l'autre) et t'a fait cadeau d'un mot : autodafé. Ce mot veut dire destruction par le ..feu. Ce que ton père a fait s'appelle l'autodafé d'un livre. Tu te souviendras ?
Je ne risquais pas de l'oublier.
A quelque temps de là, mon parrain Léo est venu me voir. J'étais dans le pré du haut occupé à lire Alladin et la lampe merveilleuse en faisant semblant de garder les vaches. J'avais dis à Boudoubour qu'il pouvait aller jouer avec les papillons pendant ma lecture parce que je ne voulais pas qu'il soit vexé par les talents du génie de la lampe.
Parrain est arrivé par l'autre versant du pré, derrière moi. Il n'y a que lui, heureu- sement, pour avoir l'idée de prendre les gens à revers. |
| | Quand il fut près de moi il prit sa voix d'outre-tombe, celle qu'il appelle la voix du père outragé. - Petit salopiot ! Vermine de l'enfer ! Je te prends la main dans le ..sac. Ne nie pas, surtout pas. Donne-moi immédiatement cet objet ..de luxure qu'on appelle livre. Ah ! Ah ! Mille cochons ! La faute est |
| grave. Les Contes des Mille et une nuits ? Monsieur le Juge, je demande une sanction exemplaire pour ce jeune perverti. Qu'il soit condamné pour l'éternité à lire et à écrire. Je n'en dirai pas plus. Sauf qu'au lieu de rire l'accusé ferait mieux d'embrasser son parrain.
Je ne me souviens pas que personne ne m'ait embrassé dans mon enfance, à part parrain Léo. Il commençait toujours par me soulever à bout de bras pour me regar- der de bas en haut et pour " soupeser la bête." - Peste ! Le poulet engraisse. Puis il plaquait deux gros baisers sur mes joues que je lui rendais avec usure.
Ce jour là nous respectâmes le même cérémonial avant d'entamer une conversation sérieuse. - Bonjour, Crapaud (il m'a toujours appelé Crapaud), comment vas-tu ? - Pas trop mal, tu vois, tant que je peux être loin de la maison. - Tu veux dire loin de l'endroit où tu attrapes les si jolies zébrures noires et violettes ..que je vois sur tes mollets ? fit-il en approchant son doigt de ma jambe ce qui me fit ..grimacer de douleur par anticipation. - C'est tout frais, n'est-ce pas ? Ne t'inquiète pas, je ne toucherai pas. Quel exploit ..t'a valu ces belles décorations ? - Je ne suis pas allé assez vite pour changer la litière des vaches et mon frère m'a ..entendu parler avec Boudoubour pendant que je travaillais, alors... - Alors il s'est empressé d'aller chercher ton père, hein ! Ecoute, Crapaud, bien que ..ton père soit mon cousin, j'ai eu mille fois envie de lui casser la figure et de t'em- ..mener avec moi, de te voler à lui. La vie s'est trompée en te donnant à lui comme ..fils. Cependant, il a raison quand il m'appelle saltimbanque. Je n'ai rien à te donner.
Je pensais exactement le contraire et je le lui dis. |
| | - Ce n'est pas si simple. La loi ne m'autorise pas à te garder contre ..le gré de tes parents. Oh ! bien sûr avec ta mère nous aurions trouvé ..un terrain d'entente, elle est si effacée et absente d'elle-même qu'une ..seule chose la préoccupe, qu'on lui fiche la paix. Avec ton père c'est |
| ..autre chose. Que nous le voulions ou non, il crève de fierté d'avoir fait deux fils, ..deux mâles. Il est blessé que tu ne veuilles pas t'intéresser à sa vie. De son côté ..il n'a pas la moindre idée de ce que tu aimes. Il considère que de toutes les façons ..tu le trahis en te tournant vers des horizons qu'il ne pourra jamais voir. Il n'a jamais ..eu l'intention de te priver d'éducation. Mais s'il t'a envoyé à l'école, comme ton ..frère, c'est pour que tu saches compter tes gains, lire des contrats, passer des ..marchés.
- Alors, quand je rentre de l'école, pourquoi est-ce qu'il m'oblige à faire d'abord les ..corvées de la ferme plutôt que de me laisser faire mes devoirs ? Pourquoi est-ce ..que je devrai quitter l'école dans trois ans après le Certificat d'Etudes ? fis-je révolté.
Parrain Léo poussa un gros soupir. - Crapaud, Crapaud ! Là, là, calme-toi. Dans trois ans, tu en auras quatorze ce qui ..veut dire qu'en quatorze années tu auras tout de même passé plus de temps à ..l'école ou dans ton lit qu'à nourrir les bêtes et à ramasser les pommes de terre. ..Ton père a fait pour toi ce que son père n'a pas fait pour lui. Il avait cinq ans quand ..on lui a mis une baguette dans la main pour aller garder les oies. Depuis il n'a ja- ..mais cessé de trimer. ..De son point de vue, c'est la ferme qui vous fait vivre, il lui semble naturel qu'après ..une journée passée assis sur un banc tu aies la force de faire tes corvées parce ..que les bêtes n'attendent pas et qu'ensuite, mais seulement ensuite, tu fasses tes ..devoirs. Il ne t'en empêche jamais mais dans sa tête il y a ce qui est primordial et ..ce qui ne l'est pas. Sa priorité est de vous mettre à l'abri du besoin, ensuite de ..vous léguer l'œuvre de toute sa vie pour que vous l'amélioriez ton frère et toi. Lire, ..écrire et compter en plus de connaître son métier de fin paysan lui paraît suffisant. ..Le reste n'est que fioriture. |
| | - Si je comprends bien, je dois jeter au fumier ce que j'aime et faire ..toute ma vie ce que je déteste ?
- Dis-moi, Crapaud, tel que je te connais, tu as bien dû lire quelques ..fables de la Fontaine ? |
| - Euh… oui. - Tu te souviens du Chêne et du Roseau ? Le roseau, tout frêle qu'il est, plie et ne ..casse pas, contrairement au chêne. Ce qui veut dire que l'orage passe sur lui ..sans le détruire. Il redresse toujours la tête le beau temps revenu. Ne donne pas ..de regrets à ton père de t'avoir fait instruire en lui donnant l'impression que tu le ..méprises (et pourtant comme il avait raison à ce moment là parrain Léo, comme ..je méprisais mon père !) Sois assidu à ton ouvrage à la ferme sans regimber, tu ..verras que les choses iront mieux. Parallèlement, continue à apprendre tout ce ..que tu peux apprendre à l'école et avec ton ami le libraire. Quand tu auras qua- ..torze ans, tu seras presque un homme alors nous discuterons avec ton père de ..ton avenir. Il ne pourra pas toujours te garder contre ta volonté. - Tu le penses vraiment ? demandai-je. - Je l'espère et je ferai tout mon possible pour le convaincre de te laisser libre de ..ton choix.
Parrain Léo resta silencieux quelques instants puis il reprit : - Maintenant, Crapaud, j'ai une chose très importante à te dire : j'ai signé un enga- ..gement dans la troupe de théâtre de Jean Vignard, tu te rends compte ! Le grand ..Jean Vignard a bien voulu de ton parrain. Il paraîtrait que je suis une révélation. Je ..suis venu tout exprès pour te l'annoncer pour que tu sois le premier au courant.
Bizarrement, le ton enjoué dont il usa pour me dire ces dernières phrases sonnait faux. J'eus le sentiment confus qu'un grand malheur allait fondre sur ma tête. - Jean Vignard, euh.. moi, enfin toute la troupe, nous partons en tournée à travers le ..monde. - Ah ? fis-je la gorge serrée. Pour combien de temps ? - Au moins pour deux ans. |
| | Je me jetai à son cou en le suppliant de ne pas partir en me lais- sant là tout seul.
Il me semblait que le naufrage de toute ma vie était consommé en ce jour et que plus jamais le soleil ne brillerait pour moi. |
| Je poussai des cris aigus et pathétiques entremêlés de sanglots qu'aucun fouet, aucune lanière de cuir n'avaient réussi à m'extorquer. Mon cœur cognait dur tout prêt à exploser, les choses autour de moi devinrent fluides et incolores, le son même de mes cris s'éloigna de moi et je perdis connaissance.
En revenant à la conscience, j'ouvris les yeux sur un masque mortuaire au teint plombé, aux yeux cernés debistre, dont la bouche entourée de deux rides profondes avait une expression d'intense amertume. J'y reconnus le visage de mon parrain penché sur moi. Par degrés insensibles sa voix me parvint : - Pardonne-moi, mon petit. Je ne pensais pas te faire tant de mal. Je n'ai pas le ..choix, comprends-le. Reviens, mon crapaud, réveille-toi.
Quand il vit que j'étais réveillé il me dit : - Je te jure Antoine que je reviendrai te chercher pour t'emmener avec moi si tu le ..veux encore. Tu dois me laisser partir sans m'enlever de ma force. J'ai besoin de ..suivre ma voie. C'est la seule manière que j'ai d'ouvrir la tienne quelle que soit celle ..que tu veux suivre. Pour avoir quelque chose à t'offrir.
Il me tenait dans ses bras et me berçait doucement. J'écoutais la litanie de ses protestations d'amour filial, persuadé que je les entendais pour la dernière fois. - Je t'écrirai et je te raconterai par le menu tout ce qui m'arrivera. Je t'enverrai des ..cartes postales pour que tu vois les villes où je joue. A l'école, tu pourras regarder ..sur le globe terrestre où elles sont, dans quels pays.
Trois ans passèrent et Parrain Léo ne revint pas. Je ne reçus jamais de lettre ni de carte postale. J'avais peur qu'il m'ait tout à fait oublié ou qu'il soit mort. Boudoubour me conseillait de garder ma foi intacte et d'être patient. |
| | Depuis ce temps, à la ferme, je " fais le roseau. " Je ne rechigne pas à accomplir mes corvées. Je n'attends pas d'être rappelé deux ou trois fois à l'ordre pour faire mon travail. Je m'efforce de le faire vite et bien pour m'en débarrasser au plus tôt. |
| Mon père n'est pas dupe, il sait que j'agis sans goût et sans plaisir. Je suppose que quand il était tout petit, lui non plus ne ressentait ni goût ni plaisir mais plutôt de la peur à partir tout seul promener les oies. Il se contente du respect apparent que je lui porte et de l'obéissance pointilleuse manifestée vis-à-vis de ses ordres. Moyennant quoi j'ai du temps libre et le fouet, accroché à son clou dans la grange, se dessèche et prend la poussière depuis longtemps.
J'écris des pièces de théâtre à deux personnages. Un pour Boudoubour et un pour moi. Nous les jouons partout où l'on veut bien de nous, dans les champs, dans les bois. Bien sûr, si quelque observateur autre que les oiseaux ou les fourmis s'avisait d'as- sister à une de mes pièces il ne verrait que moi gesticulant d'un côté de la scène et donnant la réplique à un acteur invisible puisque Boudoubour ne se montre et ne parle à personne d'autre que moi. Il n'entendrait également que la moitié de la pièce.
Dans la perspective du Certificat d'Etudes qui doit brillamment clôturer ma carrière d'écolier, depuis trois ans, mon ami le libraire a redoublé de vigilance quant à mes lectures. Nous nous sommes éloignés de la magie des contes pour faire escale sur les îles Dickens, Stevenson, Dumas avant d'aborder les rives plus escarpées de Flaubert, Balzac, Maupassant et de gravir les pentes des montagnes Rimbaud, Verlaine, Heredia, Banville. C'est ainsi, en lisant, que j'émergeai de la petite enfance pour entrer naturellement dans le monde de la réflexion. Ce fut grâce à mon Mentor qui avait si bien su doser les degrés de difficulté et de profondeur des textes par le choix judicieux des livres qu'il me donnait à lire. |
| | Il me tint par la main tout au long de la route.
C'était un homme doux. Il expliquait rarement une pensée, il se conten- tait de l'énoncer laissant à l'autre l'option de l'approuver ou non, de la comprendre ou pas. |
| Il était amoureux du mot juste et détestait le verbiage. Il avait cependant la coquet- terie de la phrase bien tournée.
J'aimais ce vieil homme et ce vieil homme m'aimait. Dans son sillage lumineux j'eus la révélation de la puissance du verbe.
Les mots que, petit, je supposais être chargés de sens et de noblesse parce qu'ils étaient beaux, qu'ils sonnaient bien dans la bouche de parrain Léo s'avérèrent être aussi savoureux que des fruits ou des mets raffinés mais aussi un mode de pensée complexe et délicat dont l'articulation me passionnait.
Mon ami le libraire est le seul ami du passé dont je ne citerai pas le nom dans ce récit tant il se confond avec beauté, philosophie, sagesse.
Il restera à tout jamais mon ami le libraire, sans majuscules, en mémoire de sa modestie.
FIN DE LA PREMIERE PARTIE DE CETTE HISTOIRE
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